Gyula Illyés

Anna

Voyage souterrain du matin vers l'avenir
et du soir vers la mort.
Entre les haies printemps-automne, le vent du réveil
pousse la roue de la machine à coudre,
la roue de mes chansons
est poussée par le vent de la machine à coudre,
le cśur d'Anna
tourne sur la chanson de la machine à coudre,
les courroies tournent entre ciel et terre
et, tandis que sous ses doigts flétris, une toile
bruissante coule, souvenir bruissant,
rapide l'aiguille tiquetante faufile
sur l'après-midi le soir, sur le soir le rêve
sur ces rêves les dentelles fanées d'un soupir.

Au fond des catacombes, Anna est assise, ses pieds ensanglantés s'élancent,
parcourent les falaises dures et escarpées
les herbes au suc laiteux, les gerçures de mes lèvres,
où elle passe les voiles de la misère flottent après
elle, draps souillés,
fumée d'usines, chemises qui sèchent,
et dans les W.C. séchant, un pendu.

Volant ainsi, passe Anna, je la suis, résolu
sous les fenêtres en pleurs, à travers des impasses
où guette le piège du silence, tulipe de minuit,
et un ami louche, aux aguets, salue.

Ainsi je veille sur la mère de mon enfant nommée Anna Orosz,
les feuilles de mes mains tristes tombent sur elle,
la protégent, redoutent l'hiver, l'enterrent
ainsi mon baiser ferme dans ses yeux bruns
les paysages merveilleux de ma jeunesse révoltée.

(Pierre Seghers)
 
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2005.04.24. óta: 1