Milán Füst

SUR UNE STÈLE ÉGYPTIENNE

Je vis et je crie pour que tu m'entendes, mais combien de temps clamerai-je encore?
Et qui donc est-ce que j'appelle?
Les siècles sauront-ils qu'un homme ici vécut?
Et mon cri de douleur dans la forêt des siècles
Ne va-t-il pas errer, ne va-t-il pas mourir?
Roulera-t-il encore sur l'océan des temps,
Fût-ce aussi faiblement
Qu'une légère écume au creux de l'ouragan?

Qui donc est-ce que j'appelle,
Si nul ne comprend ce cri,
Si nul ne comprend ce que j'ai appris,
Ce que j'ai souffert et ce que j'ai vu?

Pourquoi parler, ne pas me taire?
Pourquoi toute une vie clamer ma douleur éternelle, clamer
Que de votre souffrance je suis l'ancêtre?
Pourquoi, postérité maudite, dois-je te demander
L'aumône d'un regard vers l'arrière, venu

De la forêt des temps, des souffrances, des grands orages
A travers les eaux, les brouillards.
Pense à moi un instant, comme un marin qui glisse
Le long du gouffre noir dans la tempête,
Et voici que du fond de l'océan lui apparaît son compagnon:
Sur un oreiller d'algues il a posé sa tête fatiguée,
Il serre doucement sur son cśur las
Son unique trésor: la nuit à n'en plus finir.

(Guillevic)

 
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2005.04.24. óta: 1