Jenő Dsida

POÈME DES TÉNÈBRES

O morne saison des veillées!
La nuit d'encre aux feuilles rouillées
Dès six heures, sur les jardins,
Goutte a goutte répand son tain;

L'arbre mort déjà se délite,
Et toi, de ta vie qui s'effrite,
Perçois-tu le long chant d'exil,
Comme si s'en rompait le fil?

Oh! Dis-moi, lorsque ta main porte
Dans le café qui réconforte
Le sucre blanc, ne crois-tu voir
L'ombre tisser son voile noir?

Et regarde: l'épais liquide
Sournoisement, comme l'acide
S'infiltre en chaque bloc épars
Et le ronge, de part en part.

C'est ainsi que la nuit sinue
En toi, franchissant les issues,
Et portant son remugle amer
En chaque fibre de ta chair;

Jusqu'á l'instant où, de ta face,
Ne restera qu'un bloc de glace
Qui fond, dans le breuvage amer
D'un dieu, maître de l'univers.

(Michel Manoll)

 
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2005.04.24. óta: 1