Attila József

ART POÉTIQUE

Je suis poète, mais bien peu m’importe
La poésie en soi! Le bel
Astre que le fleuve nocturne emporte,
Ne montera jamais au ciel.

Lentement, le temps s’en va, s’effiloche.
J’en ai assez du lait des contes!
Je hume le monde réel et proche,
Que la mousse du ciel surmonte.

La source est belle – pour que l’on s’y baigne!
Les eaux frissonnantes ou calmes,
S’entrelaçant, font un babil où règnent
A la fois le sens et le charme.

D’autres poètes – cela les regarde –
S’éclaboussent des pieds aux yeux
De feinte ivresse et d’images hagardes:
Qu’ils simulent donc! libre à eux…

Je ne vais pas aux bistrots d’aujourd’hui,
Mais à la raison et plus loin!
À copier sottise et flagornerie
Mon esprit libre ne descend point.

Aime, mange, dors, bois! Aie pour mesure
L’univers! Même dents serrées,
Ceux qui nous affament et nous pressurent,
Jamais, je ne les servirai!
Sans nul compromis je veux mon bonheur!
Ou que crachent sur moi les gens!
Je serai marqué d’infâmes rougeurs,
La fièvre tarira mon sang.

Nul ne brisera mon cri querelleur.
À la Science j’en réfère.
Le siècle m’approuve, et le laboureur
Pense à moi en poussant l’araire.

Tout en faisant ses gestes mécaniques,
Avec moi vibre l’ouvrier
Le soir, c’est moi qu’un gamin famélique
Attend aux portes du ciné.

Tandis que les canailles se rassemblent
Et pourchassent mes vers ardents,
Des tanks fraternels puissamment s’ébranlent,
Semant mes rimes en grondant.

L’homme n’est pas encor grand, je vous dis!
Mais il croit l’être cependant
C’est sa folie! Puissent veiller sur lui
Amour et Raison, ses parents.

(Jean Rousselot)

 

 
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2005.04.24. óta: 1