Attila József

OUVRIERS

Magnats du capital, cruauté sans seconde!
Faisant claquer vos dents, vous déchirez le monde.
Et l’Afrique ombrageuse et l’Orient si doux
S’écroulent sous vos coups.
Et comme un nid d’oiseau s’écroule le village.
La mer, jusqu’au rivage,
Est un crachat géant.
On bâfre en produisant.
Bouche du capital, jaune, ouverte, ton souffle
Infecte
L e petit pays qui se camoufle.
Un nuage nous couvre, Un nuage puant.

Dans le rêche quartier où mâche la molaire,
Où des mines de fer nous vient le vent austère,
Où vibrant, bourdonnant, les maillons, les moteurs
Répondent aux clameurs
De la planche encor fraîche,
Où d’une roue à l’autre, un long cuir claque et lèche,
Où le transformateur que fait siffler la faim
Prend de la dynamo le métallique sein,
Nous vivons, enfants, femmes,
Agitateurs, main dans la main, mêlant nos flammes,
Liant notre destin.

Nos nerfs sont des filets frémissants que dilatent
Les glissants poissons du passé qui s’y débattent.
Prix du labeur, notre salaire maigrelet,
Quand nous rentrons, fait criailler notre gousset.
Sur la table, une miche.
Et le journal qui triche.
Tu définis, papier journal, la liberté,
La nôtre, en vérité.
Mieux vaut que tu te taises.
Ampoule et volupté chasseront les punaises.
Et pour nous honorer, notre vin frelaté.

Indic et camarade avancent en silence
Et l’ivrogne fléchit. Maison de tolérance.
On s’y traîne nombreux
Dans la nuit à plat ventre au sein eczémateux
Qui, comme d’une chemise sale, dépasse…
De la fumée. Elle-même pleine de crasse.
Tous en tas, nous ronflons.
Tous en tas, nous dormons.
Mal! … Ainsi nous vivons. Sur le mur qui s’effrite
Apparaît la limite
Du pays. Il fait froid. Au logis, nous tremblons.

Mais telle est, compagnons, notre classe ouvrière
Qui, luttant pour ses droits, trempe son caractère!
Comme une cheminée, on se fait un devoir,
Pour qu’on puisse la voir,
De s’exposer pour elle. En lui restant fidèle,
On se cache pour elle
Comme un persécuté.
Par le rail de l’Histoire à tout instant porté,
Le monde ainsi se fait. Des ouvriers sans nombre
Mettront sur son usine sombre
L’étoile de fonte, avec fierté,
L’étoile de l’humanité.

(Jean-Paul Faucher)

 

 
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2005.04.24. óta: 1