Gyula Illyés

APRÈS MINUIT

De ma poche, je sors la montre, le canif,
Le vieux carnet: tout ce qu'on porte…
Sur le bord de mon lit je suis assis pensif
Tu n'es plus à moi, que m'importe!
Je ne souffre plus de savoir
Qu'un autre s'étendra ce soir
Près de toi, que ta perte est sans espoir.

Je suis brisé. Est-ce la vieillesse? Je sonde,
De ma couche, la nuit sans fond:
Elle m'absorbera et saura faire fondre
La souffrance et la passion
Et ton rire charmant
Ouvrant et refermant
Mes jours, comme l'aurore et le couchant.

Tout est noir. Me ferai-je a l'idée de la tombe
En sachant de toi me priver?
Déja, de mes soupirs, je n'ai même plus honte
Et je les laisse s'échapper,
Si hauts sont les sommets
Où j'avance oppressé,
Vieil homme qui n'en peut plus de grimper.

Etais-tu la vallée, la brise printanière?
Où donc es-tu tendre lueur?
Mais ton parfum de pêche a tôt fait: il m'enserre
Et s'enfuit loin de moi rieur…
Craintivement alors
Je me retourne encore
Vers toi, mon beau péril ensorceleur…

Comme un cśur de mésange endormie, bat la montre
Mais son tic-tac soudain s'anime!
On dirait sous mes pas que le sentier s'effondre
Et roule avec moi dans l'abîme.
Tombé je me relève
Et je repars sans trêve
Toujours plus loin, abandonnant sans dire un mot
Réalité, ton pays tendre et chaud.

(Jean Rousselot)
 
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2005.04.24. óta: 1