Church & Peace

Lettre de Nouvelles

Eté/automne 2001

 

Une question de vocation...

 

Chers lecteurs, chères lectrices,

C’est avec beaucoup de retard que cette Lettre de Nouvelles de Church & Peace vous parvient. Les sujets qu’elle évoque ont été rejetés dans l’ombre en raison des événements du 11 septembre. Il nous semble cependant important de ne pas céder à la tentation d’oublier les zones de conflits qui ne font plus la Une des journaux. Le travail pour la paix garde toute son urgence dans les lieux où les armes ont fini par se taire mais où le calme reste plus que fragile et où les blessures sont loin d’être guéries.

C’est pourquoi ce numéro de notre Lettre de Nouvelles donne un aperçu des rencontres organisées par notre association au mois d’avril dernier aux Pays-Bas. Placées sous le signe de la Décennie “Vaincre la Violence” lancée par le Conseil Oecuménique des Eglises, ces journées se concentrèrent sur un défi particulier : “Vaincre la violence dans le contexte des conflits inter-religieux et inter-ethniques”. La promesse d’Esaïe 58 verset 12 (...“on t’appellera réparateur des brêches”...), leitmotiv de ces journées, constituait une invitation à prendre à bras le corps l’appel lancé au peuple de Dieu à oeuvrer pour la vie, la guérison des blessures des peuples, à reconstruire les habita-tions - et les habitants, à rendre manifeste sa justice. L’urgence d’un témoignage chrétien pour la paix par la non-violence évangélique au coeur de conflits tels que celui des Balkans, de l’Irlande du Nord et du Rwanda était au centre des débats. Ceux qui veulent un aperçu plus précis de ce qui s’est dit lors de ces journées trouveront le texte des interventions principales dans deux numéros de notre série Théologie et Paix.

La présente Lettre de Nouvelles évoque aussi le projet confié par le COE à la Conférence Européenne des Eglises en Europe du Sud Est, une déclaration percutante adressée au synode de l’Eglise orthodoxe de Macédoine par deux théologiens pentecôtistes macédoniens ainsi que des notes prises au cours d’un voyage en Yougoslavie et en Croatie. Enfin des échos de l’Assemblée Générale de Church and Peace et la présentation de la communauté de Selbitz, devenue membre de notre association viendront compléter ce regard sur les développements dans notre réseau depuis le printemps dernier.

“On t’apellera réparateur de brêches, restau-rateur des ruelles”. Le travail pour la paix et la réconciliation n’est pas une option pour l’Eglise de Jésus-Christ, c’est une question de vocation.

Bonne lecture !

Marie-Noëlle von der Recke

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“On t’appellera réparateur des brèches”

Rencontre internationale de Church & Peace

Théo Döllgast

Il est rare qu’un verset biblique convienne aussi bien à l’ensemble d’une conférence, que celui d’Esaïe 58/12 :

On rebâtira grâce à toi les dévastations du passé, les fondations laissées de génération en génération, tu les relèveras; on t’appellera: “Réparateur des brèches, res-taurateur des ruelles pour qu’on y habite”.

Pendant la conférence, nous nous sommes penchés sur trois foyers de conflits : les Balkans, l’Irlande du Nord et le Rwanda. Ils sont représentatifs de nombreux autres conflits où s’enchevêtrent des aspects ethniques et religieux. Cent vingt participants étaient rassemblés dans le beau centre de congrès mennonite d’Elspeet. Environ un cinquième d’entre eux était originaire des pays en question, où sont aussi actifs des membres de Church & Peace; cela permettait d’avoir des informations prises sur le vif.

Dans le texte biblique, il s’agit de la destruction de Jérusalem et de sa reconstruction. Les brèches sont béantes, dans les murs, comme entre les groupes humains, qui s’entredéchirent. Les relations sont minées. C’est vrai à Belfast, à Pristina ou à Usumbara... Mais, contre toute attente, le prophète annonce la guérison !

Les organisateurs de la conférence l’avaient placée dans le cadre de la décennie “Vaincre la Violence”. L’exposé de Reinhard Voss (de Pax Christi) sur la barbarie de la violence qui se répand de façon générale (la longue liste du COE dévoile bien des endroits où se manifeste la violence sous toutes ses formes) pourrait être décou-rageant. Malgré tout, des réseaux de solidarité se forment (Viva Janeiro, les Alliances de Paix); les partisans du pacifisme religieux et du pacifisme politique ont la volonté de travailler et d’avancer ensemble. Jésus montre avec “l’autre joue” une troisième voie entre la fuite et la révolte. Dans la discussion, des éléments importants ont été soulignés : les Eglises de paix dialoguent avec les grandes Eglises. L’éducation à une pratique de la paix dans les écoles (médiation scolaire, provocation construc-tive) permet un nouvel élan au moment où la pédagogie de la paix s’essouffle. La décennie est ainsi très pratique, et apparaît comme une initiative pleine d’avenir.

Janko Jekic, d’ex-Yougoslavie, a animé un moment où des personnes compétentes venant des régions en conflit se sont exprimées. Le public a approfondi en posant des questions tout aussi compétentes. Un cas exemplaire : un village de Croatie orientale où, depuis deux ans, le “Centre pour la Paix, la Non-Violence et les Droits de la Personne”réussit, grâce à un travail de fourmi, à surmon-ter la haine et les barrières confessionnelles. On a compris dans le détail comment le travail pour la paix avance, comment “les ruelles sont restaurées”.

L’après midi, un travail en petits groupes s’est fait sur différentes “brèches “ dont les thèmes étaient : la média-tion en Europe; être Eglise au coeur des conflits; comment briser les chaînes du pouvoir et du patriotisme?; dresser un mémorial, comme acte de réconciliation; ressources spirituelles pour artisans de paix; campagnes contre l’utilisation de l’uranium appauvri et contre le commerce des armes.

Le point culminant de la conférence a été une table ronde, avec Aleksandar Birvis (association yougoslave pour la liberté religieuse), Joe Campbell ( réseau de Mediation, Belfast) et Joséphine Ntihinyuzwa (Confession de Detmold).

Trois questions avaient été choisies comme fil conduc-teur de la table ronde :

Les Eglises font-elles partie du problème ou de la solution?

La culpabilité des principales Eglises est apparue, une fois de plus, dans leurs liens avec le pouvoir. Les accolades avec l’Etat paralysent leur action, lorsque les intérêts de l’Etat virent de l’ordre à la destruction. “L’enfer est pavé de nos omissions ”, une phrase qu’il est inutile de prononcer à posteriori, mais qui sert d’avertissement à tous aujourd’hui. A la recherche de solutions, on énumère les contributions possibles des Eglises : que chaque partie tente de com-prendre l’autre; que la violence puisse être abandonnée dans tous les cas; que l'on puisse renoncer aux satisfactions de la revanche (selon le modèle des Commissions Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud); que l’on puisse considérer -nouvelle vision des choses- les conflits non comme des maladies, mais comme conséquences de circonstances particulières; que l’on essaie de “se souvenir et transformer” plutôt que de “pardonner et oublier”. Tout cela, ce sont des voeux pieux, mais c’est bien de piété qu’il s’agit.

Quelle latitude ont les Eglises ?

Une action d’Eglise fut citée comme exemplaire : “la confession de Detmold” (décembre 1996), où des chrétiens du Rwanda ont confessé leur complicité dans les massacres, et où, parallèlement, des chrétiens euro-péens ont reconnu leurs manquements. A nouveau, on a fait appel à l’internationalisme des Eglises, qui fait particulièrement défaut dans les conflits entre chrétiens. Finalement la question a été renvoyée dans le domaine ecclésiologique : qui est la force motrice dans les Eglises ? La réponse est claire: chaque membre du peuple ecclé-sial. Cela signifie par exemple : si vous êtes catholique, présentez-vous personnellement devant votre évêque, faites des sit-in devant l’épiscopat...

Dans quelle mesure pouvons-nous apporter un soutien aux Eglises sur place ?

Quelques suggestions pratiques: proposer des formations en médiation; des bourses pour des étudiants et des échanges d’enseignants au niveau universitaire; fournir à des artisans de paix épuisés des occasions de repos; des visites régionales, non touristiques, mais participatives. Et comme exercice spirituel, il nous est recom-mandé dans tous cela de nous garder de toute critique accusatrice...

Lorsque, dans le cadre de Church & Peace, on aborde les conflits, une tout autre dimension se révèle que lorsque ce sont des diplomates ou des généraux qui le font. Constamment, émerge, même au coeur d’un discours objectif, la demande “priez pour nous!” Cela semble étrange, folie. Mais comme complément de l’objectivité, la prière atteint son but. Elle place notre action, aussi modeste soitelle, dans un contexte plus vaste. Et cela donne le courage de supporter ce paradoxe : certes la paix est notre affaire, mais en fin de compte, elle n’est pas notre affaire.

Pendant la conférence, nous avons aussi assisté à un office quaker avec son silence habituel - qui en dit plus long que de nombreux discours- et le culte final, au cours duquel Janna Postma (mennonite hollandaise) a prêché sur la parole prophétique d’alors et la mission prophétique de l’Eglise d’aujourd'hui, qui comprend aussi l’ex-hortation à la conversion et la promesse du salut.

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Nouvelle étape dans le cheminement de Church & Peace

Séminaire avec des artisans de paix originaires des Balkans

Marie-Noëlle von der Recke

Des catholiques, des baptistes, des pentecôtistes, des méthodistes - un orthodoxe. Un prêtre, plusieurs pasteurs, des travailleurs sociaux, des représentants d’ONG. Tous viennent de l’Europe du Sud-Est marquée depuis 10 ans par des vagues de guerres successives : Croatie, Bosnie, Kosovo, Serbie, Macédoine. Tous sont engagés depuis des années dans le travail de reconstruction et de réconciliation dans leur pays. Grâce à eux Church & Peace a vécu en avril dernier un temps fort de son histoire...

Depuis des années, des membres du réseau de Church & Peace sont leurs partenaires dans cette zone de conflit. Les services rendus là-bas vont de l‘aide humanitaire à la médiation en passant par l‘accueil de réfugiés, la création d’emplois et la reconstruction. Au fil des ans, des liens de travail et d’amitié se sont tissés par delà les frontières, sans aucun respect pour les lignes de démarcation ac-ceptées par l’opinion et les gouvernements - la misère n’a pas de nationalité et la bienveillance ne connait pas de frontières.

Il semblait logique, après ces dix années, de renforcer ces liens par une rencontre qui soit l’occasion de se (re)trouver, de souffler, de faire le point et d’envisager ensemble l’avenir du travail pour la paix. Pendant près d’une semaine une telle rencontre a eu lieu à Elspeet - Pays -Bas (du 24 au 29 avril). Rencontre en deux temps : un séminaire restreint pendant trois jours puis une conférence internationale regroupant les membres et amis du réseau venus de toute l’Europe. Voici quelques échos du séminaire :

Tous les entretiens ne se sont pas déroulés sans accrocs... La tentative d’analyse des causes du drame des Balkans esquissée par Aleksandar Birvis, pasteur et écrivain de Belgrade, entraîna un débat très critique qui révéla toute la complexité des événements passés, et le travail à ac-complir pour surmonter les mythes et guérir les blessures. La critique de l’attitude de l’Eglise officielle fut lourde à porter pour le prêtre orthodoxe. Le récit de celui-ci sur les souffrances de son Eglise et du peuple serbe réveilla les blessures de la femme pasteur albanaise du Kosovo. La relation difficile des Eglises protestantes avec les églises de confessions traditionnelles fut aussi abordée : sont-elles facteur d’unité ou de division ? Comment peuvent-elles affirmer leur droit d’exister dans un environnement qui se méfie du pluralisme ?

L’éclairage apporté par les interventions de Joe Campbell, médiateur presbytérien, originaire d’Irlande du Nord, et travaillant depuis 30 ans à la réconciliation dans cet autre foyer de conflit inter-religieux fit l’effet d’un bol d’air pour les participants. Il parla des pas accomplis en Irlande du Nord, des conditions requises pour le travail de réconciliation, et de la contri-bution des Eglises au processus de paix. Tout ce qu’il évoque n’est pas automatiquement transposable à la situation des Balkans, mais son expérience rend attentif à des vérités essentielles, fruits de l’expérience, porteuses d’espérance : les êtres humains ne sont pas statiques, ils changent... Le travail pour la paix ressemble à la construction d’une maison avec différents types de tâches pour différentes personnes à différents niveaux. Afin que soit assuré le succès du processus de paix, tous les secteurs de la société doivent participer, l’économie, la politique, les Eglises. Aux Eglises, il lance des défis: “Cessez d’exprimer seulement les besoins de votre propre camp, mettez en évidence ceux de toutes les parties en conflit ! Osez prendre des risques, osez vous engager ! Ne vous résignez pas à la routine, à l’apathie ! Ne considérez pas le travail pour la paix comme une option parmi d’autres, mais comme faisant partie intégrante du message de l’Evangile !” et enfin : “Le travail pour la paix est fait d’actes et de paroles, mais aussi de silence : la prière est essentielle pour tout artisan de paix...”.

Quelques participants d’Europe occidentale étaient présents à cette rencontre restreinte, l’accompagnant essentiellement par l’écoute et l’animation des temps de prière commune, heureux de constater la détermination des amis des Balkans à ne pas abandonner la lutte. Ils furent sensibles au fait que l’intervention de leurs propres gouvernants a déplacé les problèmes sans les résoudre, multiplié le nombre des victimes -réussissant tout juste à établir un état de non-guerre d’une extrême fragilité.

Une tentative de bilan est encore prématurée. Mais tous les participants sont rentrés chez eux, riches d‘une liste d‘adresses, de nouvelles amitiés, de nouveaux partenaires. Les Macédoniens ont été invités par les Serbes à profiter de leur expérience en logistique pour venir au secours des réfugiés, au moment où la vague de violence guerrière commençait à s‘étendre à leur pays. Le prêtre ortho-doxe de Belgrade sait qu’il peut compter sur ses nouveaux contacts avec une organisation humanitaire baptiste et ses partenaires du monde entier pour soutenir les projets de secours de sa propre Eglise. Le profes-seur Birvis a fait provision de livres sur la théologie de la réconciliation pour l’Institut de Théologie de Novi Sad. La femme pasteur albanaise du Kosovo, qui n’avait pas fui son pays au pire de la guerre parce qu’elle avait reçu de Dieu dans la prière la tâche d’intercéder sur place pour son pays, et qui avait fait sienne, dès 1999, la parole du prophète Esaie “On t’appellera réparateur de brèches” (thème de la rencontre d’Elspeet!), a prononcé des paroles de pardon vis à vis du peuple serbe...

Pour Church & Peace, qui n’a fait que provoquer cette rencontre en terrain neutre, en offrant un espace à ce dialogue si nécessaire, selon l’avis des participants eux-mêmes, cette rencontre est une nouvelle étape dans son cheminement. La réalité de la guerre inter-ethnique et inter-religieuse a mis des chrétiens sans tradition pacifiste au défi de faire œuvre de paix et de réconciliation. C‘est une joie de les compter désormais au nombre des amis du réseau des Eglises et communautés déjà engagées dans ce sens.

--Numéro 7 de notre série Théologie et Paix contient un rapport détaillé sur ce séminaire et le texte intégral des exposés d’Aleksandar Birvis et Joe Campbell. Il est disponible auprès des secrétariats intérnational et francophone de Church & Peace (2,55 ¤ / 16 FF).

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Etre des éveilleurs

Assemblée Générale de Church and Peace

tiré d’un rapport par Christa Voigt

C’est avec ce message que Christa Voigt a fait ses adieux après avoir représenté pendant 13 ans les Quakers allemands auprès de Church & Peace. C&P remercie de tout cœur Christa pour cet engagement durant de longues années et espère la revoir bientôt!

Cette année, l’Assemblée générale de Church and Peace a eu lieu juste après un séminaire réunissant des person-nes venant de la région des Balkans et des membres du réseau de C&P pour un échange d’expériences dans le domaine du travail de la paix et de la réconciliation et juste avant la conférence internationale intitulée “on t’appellera réparateur de brèches”. L’accent de ces journées ne fut donc pas mis sur le travail administratif, mais avant tout sur la rencontre. Toute la session était une contribution à la Décennie “Vaincre la Violence” du Conseil Oecuménique des Eglises, et fut introduite par un exposé de Reinhard Voss, le nouveau secrétaire général de Pax Christi pour l’Allemagne.

Les points importants à l’ordre du jour :

Compte-rendu du Conseil d’administration et du secrétariat international où il y a eu beaucoup de changements suite au départ du secrétaire général, Christian Hohmann. Marie-Noëlle von der Recke, la nouvelle secrétaire générale, dit dans son rapport : “La Décennie “Vaincre la Violence” est une occasion unique de nous encourager mutuellement dans notre vocation, de présenter notre vision aux chrétiens de tous les bords et de répondre aux demandes dans les domaines où nous sommes compétents. Dans les textes formulés au sein des grandes Eglises -le document “la Paix juste” des évêques catholiques allemands ou le livre de l’évêque protestante allemande Margot Käßmann consacré à la Décennie-, nous découvrons des affirmations qui rejoignent nos convictions en bien des points.”

Nouveaux membres : des arrivées réjouissantes, 3 membres à titre personnel et 2 groupes ont été admis.

• La communauté de Selbitz, fondée en 1948, est une communauté protestante qui a fait voeu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Des membres d’un tiers-ordre sont répartis dans toute l’Allemagne. Les soeurs de Selbitz se sentent concernées par la violence dans la société et souhaitent se joindre à C&P pour y développer des relations avec des communautés et des groupes qui cherchent à vaincre la violence par la non-violence active. (voir p9)

• Friends House Moscow a été fondée en 1996. Le personnel de Friends House Moscow, Sergei Nikitin et Galina Orlova, assurent une présence quaker, exercent l’hospitalité et témoignent de leurs convictions quakers de façon pratique comme par exemple en apportant de l’aide aux réfugiés du Caucase et en soutenant les objecteurs de conscience. Des bénévoles travaillent avec des enfants handicapés. Différents projets bénéficient d’une aide financière, comme celui qui consiste à aider des jeunes ayant été élevés dans des maisons d’enfants à mener une vie d’adulte indépendante. Le projet “Alternatives à la Violence” est aussi une de leurs priorités.

• Roel Meihuizen fait partie du groupe mennonite néerlandais pour la paix. Il est engagé entre autres dans les œuvres de secours aux Balkans, en Bosnie surtout, et a participé au séminaire avec des personnes venant des Balkans.

• Bruno et Heidi Sägesser-Rich sont bien connus dans le réseau de Church & Peace; ils ont assisté régu-lièrement aux rencontres en tant que représentants du groupe mennonite de paix suisse (SMFK). Ils ont maintenant quitté celui-ci, mais restent actifs dans le travail pour la paix et souhaitent contribuer autant qu’ils le peuvent au travail de C&P. Bruno a été élu comme assesseur au Conseil d’Administration de C&P.

• Moises Mayordomo est un théologien mennonite espagnol. Dans le cadre de son travail comme assis-tant à l’université de Berne, il traite les thèmes de la paix du point de vue du Nouveau Testament. Sa collaboration dans l’assemblée mennonite de Berne dans le domaine de la catéchèse porte surtout sur l’éducation à la paix.

Les finances

Comme chaque année, un point sensible, puisqu’une grande partie de nos dépenses est couverte par des dons qui sont des rentrées peu sûres. Si nous voulions payer le travail administratif important et compliqué par l’usage de plusieurs langues, avec les cotisations des membres, il faudrait augmenter les cotisations. Pourtant nous n’avons voulu faire peur à personne, surtout pas aux communautés qui disposent de peu de moyens mais dont le témoignage est très important. C’est ainsi que nous ne sommes pas allés dans ce sens. Nous avons décidé de prendre des risques, de garder confiance et de rester vigilants. Nous allons continuer à chercher des idées pour faire des économies, par exemple, faire faire des traductions par les membres du Conseil d’Administration, planifier quelques projets pour pouvoir bénéficier plus facilement de subventions, inviter des membres à Laufdorf pour des tâches ponctuelles au bureau et tenter de faire exécuter une partie du travail administratif par un pasteur en ministère spécialisé du district de Braunfels de l’Eglise rhénane. Pour l’instant, il nous manque une personne germanophone et un lien vers les églises protestantes et la région de Laufdorf.

Election d’un nouveau comité de nomination

Lors de la présentation du nouveau comité nous avons remarqué que sur 5 personnes, il n’y avait qu’une seule femme et nous nous somme posé la question si nous avions nommé trop peu de femmes au comité. Je ne pouvais pas partager ce soupçon, car le comité avait demandé à plusieurs de femmes et toutes avaient refusé.

Spontanément une réunion de femmes fut convoquée pour leur demander pourquoi elles n’osent pas se lancer dans certaines tâches. Malheureusement, le temps a manqué, c’était un bon début, car dans ce cadre, pour une fois nous avons pris la peine de demander expressément leur avis aux femmes. Beaucoup d’entre elles pensaient qu’elles devaient avoir certaines compétences (masculines) pour travailler par exemple dans le Conseil d’Administration.

Rapports des régions

Suivirent les compte-rendus des différentes régions. La conférence régionale pour 2002 pour la Grande Bretagne et l’Irlande aura lieu du 14 au 16 juin, en même temps que la session d’Anglican Pacifist Fellowship sur le thème “Le travail désarmé pour la paix”. En Europe de l’Est les points forts sont la réalisation et la mise à jour du site Internet de C&P et la publication des documents C&P dans plusieurs langues de l’Europe de l’Est, ainsi qu’un calendrier pour la paix en hongrois. En 2001, il y aura en plus un séminaire sur l’éducation à la paix. La prochaine conférence régionale francophone aura lieu sous le thème “Violence économique et violence envers la création”, la date et le lieu restent à déterminer. La session germanophone en 2002 se tiendra du 18 au 20 octobre en même temps que la session d’automne de DMFK.

Le compte-rendu du Conseil d’Administration s’achève par ces mots : “Nous sommes à ma connaissance le seul réseau œcuménique à dimension européenne. Maintenons ensemble ce cadeau qui nous est donné, fruit du travail et de la persévérance de nos prédécesseurs... Nous sommes, je crois des “éveilleurs” dans nos communautés, paroisses, Eglises, groupes...nos convictions sont suffisamment ancrées pour durer, espérer et nous réjouir ensemble de ce don de la Paix que Dieu nous fait !

Traduction : Louise Nussbaumer

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Non-violence ou puissance de l’amour

Itinéraire de la Communauté “Christusbruderschaft”

Sr. Barbara Müller & Sr. Susanne Schmitt

Notre décision de devenir membre de Church & Peace est l’aboutissement d’une démarche que nous allons décrire ici. Présentons-nous d’abord :

Notre communauté s’appelle Christusbruderschaft, ce qui signifie “Fraternité en Christ”. Fondée en 1949 par Hannah Hümmer et le pasteur Walter Hümmer, elle fait partie des ordres religieux de l’église luthérienne. Le centre de la communauté se trouve à Selbitz près de Hof, en Franconie. Nos membres se sont engagés à vie dans la communauté dans le but d’être ensemble témoins de notre Dieu. C’est le Christ qui nous unit dans cette communauté et nous, nous voulons marcher sur ses traces, telles qu’il nous les a laissées dans les évangiles. Grâce aux “règles évangéliques”, c’est-à-dire la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, nous faisons partie intégrante de la tradition monastique de l’Eglise chrétienne non divisée.

La communauté comprend 116 femmes et 6 hommes. Il existe aussi un tiers ordre se composant d’hommes et de femmes, mariés ou célibataires qui, là où ils habitent, et dans leur profession, veulent vivre en chrétiens au milieu du monde. C’est une relation d’amour entre Dieu et nous qui nous rend disponibles et nous donne la force de vivre en communauté et de nous engager pour les autres. Notre foi puise sa source dans la pratique de trois moments quotidiens de prière, dans la lecture personnelle de la Parole de Dieu, les cultes et la célébration de la sainte Cène, les études bibliques, les retraites, l’accompagne-ment spirituel et la confession des péchés.

Depuis la création de notre communauté, notre service comporte trois aspects: la prière (Leiturgia), l’amour actif du prochain (Diakonia) et le témoignage (Martyria). La prière va de l’adoration à l’intercession pour des personnes et des situations concrètes. L’amour du prochain se traduit par le service pratique auprès des personnes âgées et des malades. Quelques-unes de nos soeurs travaillent aussi avec des enfants et des jeunes. Nous pensons aussi que la diaconie au sens large inclut l’accueil et un engagement concret pour l’amour et la réconciliation. Enfin, tout service missionnaire et d’accompagnement spirituel se fonde sur l’invitation de Dieu à lui confier notre vie. C’est pourquoi nous proposons des moyens d’appro-fondir la foi chrétienne dans des rencontres, des séminaires et des retraites. L’annonce de l'évangile peut aussi se faire par l’intermédiaire de la création artistique : peintures pour la méditation, décoration d’églises et de lieux publics. Nous éditons aussi nous-mêmes des livres, des cartes et des chants.

C’est à Selbitz, coeur de la communauté, que vit et travaille le plus grand nombre de nos soeurs, soit dans la maison-mère, soit dans la maison de retraite Walter-Hümmer. Il y a aussi des maisons d’accueil à Wülfinghausen près de Hanovre, à “Birkensee” près de Nuremberg et au “Petersberg” près de Halle où se trouve la communauté des frères. Quelques soeurs vivent en plus petites communautés dans des villes comme Magdebourg, Bayreuth et Munich. D’autre part, nous nous préparons à envoyer des soeurs au Zimbabwe après qu’un autre groupe a travaillé au Botswana pendant 13 ans, jusqu’en 2000.

Expériences vécues de violence et de l’action non-violente

Nous ne pouvons guère dire que la communauté entière a la même approche du thème de la violence. Selon nos origines, notre profession ou l’appel spécifique que nous avons reçu, nous avons vécu les choses chacun à sa façon. Certains ont fait connaissance avec les phénomène du harcèlement dans le cadre professionnel; d’autres ont été confrontés à la discrimination dont les demandeurs d’asile sont l’objet; d’autres encore ont découvert les actes de violence que des jeunes et des enfants subissent dans leur famille ou qu’ils font subir à d’autres. Les soeurs qui travaillent comme conseillères, médecins ou infirmières sont souvent confrontées aux victimes d’actes de violence. De 1977 à 1999, nous avons accueilli un ménage kurde de Turquie. Cela nous a permis de prendre contact avec le réseau d’accueil des Eglises de Bavière pour les demandeurs d’asile. Il s’agissait très concrète-ment d’échanges de vues et de soutien mutuel dans des actions de désobéissance civile. C’est ainsi qu’une de nos soeurs a fait la connaissance de Hildegard Goss-Mayr du Mouvement International de la Réconciliation. Nous l’avons invitée à un séminaire dans notre communauté pour qu’elle nous parle de l’action non-violente et de la désobéissance civile. Le point de départ de sa réflexion est que la force de la non violence existe en chacun de nous. Les réactions à la violence sont souvent le mutisme ou le laisser-faire, ce qui revient à contribuer au maintien des situations d’injustice. Essayer activement de combattre l’injustice par la violence, c’est engendrer une nouvelle violence et en fin de compte faire obstacle à la réconciliation. L’action non-violente, elle, n’essaie pas de vaincre ceux qui sont responsables de l’injustice, mais elle combat l’injustice même. Son but est la réconciliation entre ceux qui sont responsables de l’injustice et ceux qui la subissent. Dans la non-violence la fin et les moyens sont les mêmes. H.Goss Mayr nous a expliqué les méthodes d’action non-violentes et les possibilités de dialogue.

Nous avons compris que c’est la responsabilité de chacun de nous engager sur le chemin de la non-violence. Dans la période qui a suivi cette rencontre avec Hildegard, nous avons étudié comment nous nous comportions dans des situations de conflit et nous avons essayé de nous mettre au travail tous ensemble, pas à pas. C’est à partir de ces premières expériences et en constatant en même temps une recrudescence de la violence et de la xénophobie dans notre société que nous avons choisi comme thème central pour notre communauté en 2001 :

La non-violence ou la puissance de l’amour

A la rencontre annuelle où se retrouvent tous les membres de notre communauté, nous avons approfondi ce sujet parmi d’autres. Nous avons invité Marie-Noëlle et Ernst von der Recke à Selbitz en janvier 2001. Ils nous ont présenté le travail de Church & Peace. Marie-Noëlle nous a donné un aperçu du concept de réconciliation dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Ernst a abordé le sujet de la “communication non-violente” et nous a permis de l’approfondir grâce à des exercices pratiques.

Nous avons alors décidé de faire partie de Church & Peace. Nous croyons que l’action non-violente est aussi une action qui se vit en communauté et nous, communautés et églises, avons a possibilité de nous soutenir mutuellement.

En tant que communauté, nous sommes appelés à suivre Jésus. Cela signifie nous engager dans une vie de non-violence. Nous avons dans notre règle un paragraphe sur la voie de la croix : “Jésus n’a jamais caché les conséquences de ce qui nous attend si nous le suivons. Il a été battu, torturé, tué, mais il n’a pas rendu les coups. Il invite donc ses disciples à vivre eux aussi une vie sans violence et à aimer leurs ennemis”(Règle de la commu-nauté p.19).

Chaque année, notre communauté propose aux habitants de la région une journée de réflexion autour d’un thème particulier. Cette année, c’est le thème de la non-violence que nous proposons.

Notre supérieure, soeur Anna Maria aus der Wiesche, a préparé des textes pour approfondir ce sujet dans nos études personnelles quotidiennes.. Dans la communauté nous cherchons, du mercredi des Cendres au dimanche après Pâques, à faire de nouveaux pas dans cette direction.

Traduction : Nicole von Rekowski

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Mais comment reconstruire ?

Impressions de voyage

Marie-Noëlle von der Recke

Si on examine l’histoire de Church and Peace, on s’aper-çoit que ce mouvement a vu le jour dans une Europe en ruines. C’est sur l’arrière plan de l’échec du christianisme européen et mondial face au Nazisme que s’est établi entre nos prédecesseurs le dialogue qui est à l’origine du réseau européen et oecuménique des Eglises et communautés de Paix. Parallèlement à la reconstruction de l’Europe, ce réseau s’est tissé pour devenir ce qu’il est aujourd’hui : fragile mais bien vivant, depuis l’Espagne jusqu’à Moscou!

Les contacts avec des chrétiens de la région des Balkans lors des rencontres du printemps dernier aux Pays-Bas amènent à se demander si cette région meurtrie ne se trouve pas dans une situation assez analogue à celle dans laquelle notre réseau est né. En effet, dans cette région, certains considèrent les Eglises comme des obstacles à la paix, et ils ont des arguments très forts pour le démontrer. L’association fatale dans les esprits de l’identité nationale à l’appartenance religieuse a contribué et contribue au déchirement d’une société déjà en crise.

Or, les rencontres d’Elspeet et les contacts entretenus par nos membres dans les Balkans depuis plus de dix ans ont permis de découvrir des hommes et des femmes dont les aspirations sont très proches des nôtres : des croyants qui mettent leur foi et leurs dons au service de la réconciliation et de la reconstruction au sein d’une société désarticulée. Ils ont refusé de se fondre dans les schémas imposés par le sectarisme ambiant. Par un travail d’aide humanitaire à toute personne dans le besoin ou par des formations à la résolution non-violente des conflits, ils oeuvrent pour que “les ruelles redeviennent habitables” comme le disait le mot d’ordre de notre conférence internationale.

Afin d’approfondir les relations avec ces nouveaux amis, une série de visites a été prévue pour cet automne et le printemps prochain. Dans un premier temps, accompagnée de Soeur Myriam -sœur salésienne, diacre pour la paix demeurant à Wethen (Allemagne)- j’ai eu le privilège d’aller en Voivodine et en Croatie.

Au cours de ce voyage, nous avons ainsi pu rencontrer:

• les responsables de l’organisation humanitaire Tabita, Branka et Zelimir Srnec, à Novi Sad,

• le Père Károly Harmath, de la paroisse fransiscaine de Novi Sad,

•Aleksandar Birvis, doyen de l’école biblique de Novi Sad et son épouse ainsi que ses élèves,

• Harold Otto, ancien volontaire de l’œuvre d’entraide Mennonite Central Committee (MCC) travaillant actuellement pour la Fédération Luthérienne Mondiale dans le cadre de l’Organisation Humanitaire Oecuménique à Novi Sad,

• Manda Prising, responsable du “Club ouvert” de Sombor et son époux,

• Vesna Liermann et ses collègues du Centre pour la Paix, la Non-Violence et les Droits de la Personne à Osijek fondé par Katharina Kruhonia au début des années 90,

• Michelle Kurtz, enseignante à la Faculté de Théologie Evangélique d’Osijek et consultante du Centre pour la Paix,

• Ana et Otto Raffai, formateurs à la résolution non-violente des conflits dans toute la région des Balkans, demeurant à Zagreb,

• Boris Peterlin, directeur du Centre d’Infor-mation Chrétien à Zagreb et coordinateur ré-gional du Conseil Européen des Eglises (KEK) pour le projet “vers la paix et la réconciliation en Europe du Sud-Est”.

Sans entrer dans le détail de chaque rencontre, j’aimerais noter ici quelques impressions et réflexions glanées au fil de ces journées :

Destructions visibles et invisibles

J’ai été frappée par des situations paradoxales lors de chaque visite : Novi Sad, n’a souffert dans son architecture qu’en des points très précis : le pont détruit le3 avril 1999 continue à pendre tristement dans le Danube (les habitants disent avec leur humour grinçant : “Novi Sad, la ville où le Danube coule par dessus les ponts” ), le bâtiment de la télévision, carbonisé, expose une carcasse fantomatique aux visiteurs. Cependant, une série de bâtiments flambant neufs attirent l’œil. Quelques réfugiés très fortunés ont investi dans des immeubles impres-sionnants qui font contraste avec la pauvreté et la tristesse ambiantes. Les nouveaux-venus dans la région ne sont pas seulement des personnes déplacées arrivées en foule dans les années 90 de Croatie, de Bosnie et du Kosovo pour tenter de reconstruire péniblement leur existence; une forme de capitalisme nouvelle a vu le jour sur la base de fonds dont l’orignine est parfois incertaine, aux dires de nos hôtes.

En Croatie, où la guerre remonte beaucoup plus loin dans le temps, les destructions sont beaucoup plus visibles. Des zones minées sont entourées de rubans blancs de part et d’autre des routes : on est invité à la prudence. La petite ville de Vukovar, où la nature commence à envahir les maisons en ruines depuis 1991, offre un spectacle ef-frayant. Certaines bâtisses ont été reconstruites dans le respect du caractère architectural d’avant la guerre grâce à des subventions accordées par des sponsors étrangers, mais elles ne parviennent pas à faire oublier les murs éventrés, les impacts de grenades, les brêches béantes. Les habitants sont confrontés en permanence à cette réalité. Et un de nos hôtes de commenter : “il faut se rendre compte que leur psychisme ressemble à ce que nous voyons-là”.

Le visiteur, lui, reste perplexe : là où il y a de l’argent, la reconstruction avance et comment ne pas s’en réjouir ? Que penser cependant des ruines intérieures ? Et du fait que les enfants grandissent au milieu des fruits de la violence guerrière ? La tâche de reconstruction au niveau de l’âme des populations semble autre-ment plus délicate que la reconstruction des bâtiments...

Quelques heures passées à Zagreb montrent une autre facette encore de la réalité de cette région : une grande ville aux rues bruyantes, toute tournée vers l’Eruope (on rend attentif à l’institution imminente de l’euro et les McDonalds et autres firmes occidentales ont pignon sur rue) qui donne l’impression au visiteur d’un jour qu’une page de l’histoire a été définitivement tournée. Les ruelles ont repris vie - mais les voilà bien embou-teillées...

Des bâtisseurs hors-pairs

J’ai été profondément impressionnée par les personnes rencontrées et par le travail qu’elles accomplissent. Dans un contexte où il aurait été “normal” de sombrer dans la dépression et la résignation, des hommes et des femmes (surtout des femmes!) retroussent leurs manches pour prendre les problèmes à bras le corps. Les approches sont diverses mais l’intention est claire : il s’agit de construc-tion et de reconstruction, dans tous les sens du terme - aide toute matérielle ou formation, apprentissage de la tolérance, éducation à la paix, renouveau spirituel... Les contacts avec des groupes et personnes désireuses de soutenir ces efforts en Europe occidentale et avec ceux qui poursuivent les mêmes buts à l’intérieur de la région font entrevoir la constitution d’un réseau entre tous ceux qui veulent “relever les fondations” de leur société.

Fragilité des projets

J’ai été alarmée par le fait que les projets visités fonction-nent dans une dépendance financière totale. Si les gros donateurs (Union Européenne, fondation Sores etc.) vien-nent à fermer les vannes, des projets de longue haleine se voient privés de ressources... Hors il s’agit de projets dont les résultats ne sont pas forcément visibles dans l’immé-diat... La guerre a suscité un afflux de solidarité mais créé par là même des dépendances qui fragilisent le travail de reconstruction.

L’Eglise de demain, encore un chantier

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt ce que disent nos hôtes concernant le climat dans les Eglises et la coopération entre elles. La soif de renouvel-lement dans la vie des Eglises et de dialogue entre les Eglises est grande. Mais la guerre a laissé des traces. Le fossé le plus profond semble être celui qui sépare l’Orthodoxie des autres confessions. En Croatie, les petites Eglises protestantes semblent mieux trouver leur place parmi les autres qu’en Serbie. Ana Raffai, préoccupée par la lenteur de l’évolution dans son Eglise (catholique), décrit celle-ci comme enfermée dans une sorte d’autisme, préoccupée de sa propre “chambre” sans se soucier du reste de la “maison”. Le centre pour la Paix d’Osijek a vu la nécessité de consacrer un de ses nombreux projets au seul thème : “constuire la paix par la coopération interreligieuse”, projet mené par une équipe œcuménique. Toutes les personnes rencontrées insistent sur les avancées au niveau des simples croyants et sur la lenteur au niveau de l’institution.

“On rebâtira grâce à toi les dévastations du passé; tu relèveras les fondations; on t’appellera réparateur de brèches, restaurateur des ruelles pour qu’on y habite.”

Cette promesse nous a accompagnés à Elspeet et au cours de cette année. Elle était particulièrement présente pendant ce voyage. Mais une question, on l’aura remarqué au fil de ces lignes, s’impose : “reconstruire, oui, mais comment ” ?

Evoquant les causes profondes du divorce yougoslave, une de nos hôtesses disait: “on a voulu construire une maison sans murs intérieurs et sans pièces, on n’a pas voulu laisser s’exprimer les différences”. Ceux que nous avons rencontrés au cours de notre voyage démontrent par leur engagement qu’ils ont tiré les leçons de ce “défaut de construc-tion”, qu’ils cherchent à construire sur des fondements nouveaux. La promesse du prophète Esaïe leur convient tout particulièrement.

S’il est vrai que le réseau de Church & Peace est un fruit paradoxal de la catastrophe de la seconde guerre mondiale, il se pourrait bien que les “réparateurs de brèches” des Balkans soient eux aussi un fruit paradoxal d’une page tragique de l’histoire de cette région. Les deux mouvements ont des points communs et il est extrêmement réjouissant de constater qu’ils sont en voie de devenir par-tenaires de dialogue !

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Voix de Dieu ou écho du peuple ?

Concernant : La lettre du Sainte Synode de l’Eglise Orthodoxe Macédonienne aux dirigeants de la nation

Kosta Milkov & Mirco Andreev

--Après l’horreur du 11 septembre 2001 et en raison de ses conséquences, on risque d’oublier tous les autres conflits. Ainsi la situation reste tendue en Macédoine. Il n’y a pas de véritable solution en vue malgré le prolongement de l’intervention militaire, désormais sous le commandement de l’armée allemande.

Mirco Andreev, pasteur de l’Eglise de pentecôte à Skopje en Macédoine était l’un des participants au séminaire de Church & Peace sur les Balkans. Il est l’un des auteurs d’une déclaration remarquable qui prend position par rapport à un document publié fin juin par le “Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe de Macédoine”. Celui-ci affirme entre autres que tuer pour défendre sa patrie ne va pas à l’encontre du commandement divin. Les responsables des Eglises de pentecôte ont encouragé les églises et les pasteurs à s’opposer à la haine, au nationalisme et à l’idée de tuer et à orienter leurs prédications dans ce sens. Elle voit son témoignage comme une contribution à la résolution pacifique des conflits. Tout cela se passe dans des Eglises situées au cœur même du conflit, et non depuis une certaine distance de sécurité.. Souvent, d’après Mirco, la seule “action” possible reste la prière.

Les réflexions des deux théologiens pentecôtistes sont d’une actualité surprenante, surtout pour répondre aux justifications “théologiques” de la violence et de la manière de la combattre auxquelles nous sommes confron-tées depuis le 11 septembre 2001. Wolfgang Krauß

 

La lettre ouverte du Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe Macédonienne (E.O.M.) au gouvernement, qui exprime les attentes de “notre peuple” nous donne une bonne occasion de nous interroger sur le rôle de l’Eglise en matière politique.

Avant de jeter un regard critique sur la lettre elle-même, il serait bon de montrer le point de vue fondamental de Jésus-Christ, le fondateur du christianisme par rapport à cette question.

L’Incarnation s’est produite à l’époque où le territoire d’Israël, peuple élu de Dieu, était occupé par l’empire romain. Les Juifs étaient très mécontents de cette situation et la majorité d’entre eux espéraient en la venue du Messie promis, l’Oint du Seigneur qui par ses pouvoirs surnaturels et son charisme saurait briser le joug de l’empire romain.

Jésus possédait à la fois les charismes et les pouvoirs surnaturels qu’on attendait du Messie. Il avait ces qualités en abondance. Sa mort tragique sur la croix, conséquence de ses actes et de son enseignement, nous montre que finale-ment il n’a pas répondu aux attentes d’Israël. Au contraire il a été jugé comme très dangereux par les juifs, qui pour s’en débarrasser l’ont accusé de faire ce qu’il a toujours clairement refusé: mener une révolte contre Rome. Voilà ce qu’attendait son peuple de Lui.

Quelles sont les attentes de l’EOM ? Eh bien, elle veut être la voix du peuple. Mais ne devrait-elle pas être la voix de Dieu ? Une voix qui rende notre peuple attentif au message essentiel de l’Evangile - la délivrance du péché et de l’esclavage de Satan ? Combien de temps encore l’EOM va-t-elle fonder son autorité sur le peuple, sur le sentiment de devoir de préserver l’identité nationale des macédoniens ? Plutôt que d’utiliser un langage ethnocentrique et de mélanger le nationalisme avec les convictions religieuses, ainsi définies : un macédonien = un orthodoxe, l’Eglise se doit de porter au peuple un message de repentance au risque d’être rejetée comme Jésus l’a été. Ils ont rejeté Jésus parce qu’ils n’ont pas voulu accepter son jugement sur leur péché.

Le Synode de l’EOM appelle les dirigeants de l’Etat à tenir leurs serments. Ces serments signifient que la République de Macédoine garde sa constitution de même que son intégrité territoriale actuelle. Que dirait Jésus de cela ? Très probablement il se souviendrait de son Sermon sur la Montagne où il disait : “mais moi je vous dis de ne pas jurer”. Il serait bon de se rappeler un verset de l’Ancien Testament : “Maudit soit l’homme qui met sa confiance en l’homme”. Rappelons-nous que les responsables politiques ne sont que des hommes.

En outre, l’EOM, encore une fois dans le rôle de la voix du peuple envoie ce message : “Voici ce qu’attend notre peuple ! Ce qui n’est qu’une redondance parce que le peuple l’a déjà dit. Ce qu’il nous faut, c’est la Voix de Dieu, et non pas l’écho de sa propre voix. Mais il semble clair que le moyen le plus sûr de satisfaire les masses est une traversée calme, sans “faire chavirer la barque”.

Ce qui est encourageant c’est que l’EOM “prie pour que règne la paix”. Toutefois, cela n’est qu’une introduction à l’argument (utilisant le fait que des forces de sécurité ont été tuées dans le conflit) “qu’est-ce qui devrait arriver de plus ?” et “qui peut nous montrer comment garder et protéger notre pays ?”. Et pour finir cet avertissement : “la patience a des limites”. La question se pose, de la patience de qui s’agit-il ? La patience du peuple ou celle de l’EOM ? Si nous parlons du peuple, comme la patience du peuple d’Israël qui n’a pas reconnu le Messie, nous comprenons que leur patience est à bout. Mais pour l’EOM, Jésus nous dit “70 fois 7 fois”.

Il n’est pas étonnant que le Premier Ministre Georgievski ait pris la lettre de l’EOM comme un feu vert “pour tuer à des fins justes”. Mais le Premier Ministre est politicien et non prêtre. Il est normal pour lui de parler pour le peuple. Cependant, lorsqu’il le fait, il n’a pas le droit de présenter Dieu comme son collaborateur face à l’ennemi.

Il est clair que ce que dit le Nouveau Testament concernant la position du chrétien face à la violence et face à tous les conflits en général semble naïf, fou et suicidaire. Aucune personne saine d’esprit ne peut comprendre cette sorte de foi. Mais le Nouveau Testament parle sans restriction de “la faiblesse et de la folie de la croix” qui est contraire à “la puissance et à la sagesse du monde” et qui est en réalité la sagesse salvatrice de Dieu. Parce que les vrais disciples du Christ n’ont pas besoin de la sagesse du monde. Leur responsabilité vis-à-vis de la société consiste à faire le bien et à lutter sans cesse pour la vérité et la justice. Mais ils ne doivent jamais user de violence ni l’encourager, puisqu’ils sont dans la main du Seigneur.

Il est temps que les responsables chrétiens en Macédoine cessent d’agir comme certains politiciens qui écoutent les souhaits du peuple pour trouver ce qui lui plaît, et redeviennent par leurs déclarations et leurs actions des responsables de l’Eglise.

Il est temps que la fidélité des chrétiens retourne à Dieu et à Lui seul.

Traduction : Louise Nussbaumer

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Vers la paix et la réconciliation dans le sud-est de l’Europe

Un projet destiné à encourager la paix et la réconciliation dans le Sud-Est de l’Europe a été lancé fin février. A la tête de cette nouvelle initiative se trouve la Conférence des Églises Européennes (KEK). Ce projet s'inscrit dans un programme de trois ans monté par le SEEEP (Partenariat oecuménique dans le Sud-Est de l'Europe) - activité du Conseil Oecuménique des Églises. Il a pour but d’aider les communautés chrétiennes, organisations d’Eglises et organisations non-gouvernementales à contribuer à la restauration de la confiance, à la paix et à la poursuite du processus de réconciliation dans les pays touchés.

Il va travailler à développer le dialogue inter-religieux, une meilleure coordination entre les besoins locaux et les aides internationales, s’occuper de l’aspect légal du travail des communautés religieuses de la région et aider à corriger des malentendus, en améliorant la communication et la coopération dans la région.

“Il n'est pas du ressort de la KEK de tout faire” a précisé le Secrétaire général de la KEK, Keith Clements, mais “il nous appartient de promouvoir la coopération, d'assurer la liaison entre les Églises, les groupes rattachés aux Églises et les ONG déjà engagés dans ce type de travail, ainsi que de les soutenir, et enfin, de renforcer les ressources disponibles dans la région”.

Les délégués des Eglises des Balkans ont souligné la nécessité de mener une recherche théologique et sociologique systématique, afin de disposer d’une source d'informations fondamentales pour toutes les initiatives de paix.

"Ceci n'est que le début d'un long processus" a précisé Rüdiger Noll, le Coordinateur du projet pour la KEK. "Je pense qu'au fur et à mesure que nous avancerons dans le projet, il sera davantage possible que d'autres nous rejoignent. Nous nous engageons à ne pas tenter de reprendre ce qui a déjà été fait, mais à apporter de nouvelles contributions", a t-il conclu.

Extraits de CEC News Release 01/08, 15 mars 2001

Church & Peace est membre associé de la KEK

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Accueillir la souffrance de l’autre

Guérison des relations entre Hutus et Tutsis

Sylvie Gudin Poupaert

Les Rwandais vivant en Europe, et particulièrement en Belgique, éprouvent encore une grande hostilité les uns envers les autres. Loin de s’estomper, leurs blessures créent des divisions parmi les chrétiens au point qu’il y a des églises de Tutsis et des églises de Hutus. C’est pourquoi un séminaire de réconciliation dans l’esprit de la Confession de Detmold avait été organisé à Bruxelles du 9 au 13 juillet. Thaddée et Joséphine Ntihinyuzwa m’avaient demandé d’y représenter Church & Peace.

Le programme était animé par un Hutu, un Tutsi et une européenne. Il aborda des thèmes comme : “le rôle des Eglises dans la guérison du pays”, “la souffrance devant le Dieu d’amour”, “le traumatisme et le deuil”, le pardon” etc.

Les participants étaient venus avec réticence, la méfiance les uns envers les autres étant très forte, et s’ils voulaient bien écouter, ils n’étaient pas prêts à s’engager activement dans le processus. Le troisième jour cependant, ils furent invités à réagir à ce qu’ils avaient entendu. Plusieurs ont alors ouvertement parlé de leurs souffrance et de leurs problèmes de relations.

J’ai été invitée à présenter C&P. En fin d’après-midi, les intervenants ont parlé de leur expérience personnelle du pardon. J’ai alors pris la parole en tant que fran-çaise pour dire que je m’associais à ce qui avait été dit concernant le mal causé par les européens en Afrique aujourd’hui et dans le passé. J’ai reconnu le mal commis au Rwanda par le gouvernement français, entre autres son soutien aux “génocidaires”. J’ai affirmé mon désaccord et ma honte devant l’immense souf-france provoquée par ces agissemnts.

Plusieurs Rwandais ont alors dit, devant tous, que maintenant qu’ils avaient entendu mes paroles, ils pouvaient commencer à guérir. D’autres ont redit leur souffrance, mais sans agressivité. Après la réunion, plusieurs personnes sont venues me trouver pour me raconter leur histoire et me remercier de mes paroles. Ce fut une expérience très émouvante. J’ai pris conscience que de nombreux africains n’apprécient pas les “blancs”. Certains m’ont même dit : “On sourit aux blancs, on est gentils avec eux, mais on ne les aime pas, et souvent, on ne leur fait pas confiance”. Pourtant, c’étaient des chrétiens qui parlaient. Je n’avais jamais fait l’expérience d’une telle honnêteté exprimée sans agressivité.

Le soir, beaucoup de Rwandais, Tutsis et Hutus déclarèrent publiquement leur volonté de pardonner, de considérer les autres comme leurs frères et leurs soeurs, sans tenir compte de leur ethnie, et d’essayer de vivre ensemble. Une volonté d’avoir des projets communs inter-églises à Bruxelles s’est fait jour. Des rendez-vous ont été pris pour se retrouver. Une liste d’adresses a circulé (alors qu’au début, les participants avaient absolument refusé d’en établir une). Une photo-souvenir a même été prise...

Ce séminaire, mettant en pratique le principe “accueillir la souffrance de l’autre et exprimer sa propre souffrance” a accompli pour beaucoup un vrai travail de guérison. C’est une démarche exemplaire. Si la vie de chacun pouvait être vécue dans cet esprit, comme nos relations seraient différentes...

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En bref

• Prochaine rencontre francophone de Church & Peace

La prochaine rencontre franchophone de Church & Peace aura lieu du 25 au 27 octobre 2002 à l'Abbayé des Dombes, près de Bourg en Bresse, à la Communauté du Chemin Neuf. Le thème tournera autour de la question de la mondia-lisation et de l'écologie.

• Nouveau secrétaire au MIR romand

Le secrétariat de la branche suisse romande du Mouvement International de la Reconciliation (MIR) a déménagé : il a son siège à Romont où habite son nouveau permanent Bertrand Slavic. Sa nouvelle adresse est : MIR romand, Route de la Comba 7, CH-1680 Romont, Tél et fax : +41 26 652 04 42, mél :

mir.suisseromande@worldcom.ch

• Prière pour la paix

L’assemblée annuelle de la Société Religieuse des Amis (Quakers) invite toute personne - en tout lieu - à s’unir chaque dimanche de 19 heures à 20 heures pour prier afin de se fortifier et de surmonter le sentiment d’impuissance, pour faire face à la violence et au désir de vengeance d’une manière constructive et pour contribuer à éliminer les multiples causes de la violence.