Eglise & Paix

Printemps 2002

Contenu

- Conflit israélo-palestinien

- Voyage en Serbie, au Kosovo et en Macédoine

- Prière inter-religieuse pour la paix

- Marche pour la paix organisée par le Mouvement Bokor

- Chapitre général de l’Arche

Et autres ...

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Pas de promesse de succès...

Chers lecteurs, chères lectrices,

A l’heure de la mise en page de cette Lettre de Nouvelles, les assiégés de Bethlehem ont enfin pu quitter la basi-lique de la Nativité, les uns vers la liberté, les autres vers la prison ou l’exil. Depuis des mois, plusieurs Eglises tentent de jouer un rôle de médiateur entre le gouvernement israëlien et les Palestiniens, depuis des semaines des responsables ecclésiastiques s’efforcent d’obtenir un dénouement acceptable pour tous les partis à Bethlehem.

A un moment où la fin du tunnel n’est malheureuesement pas encore en vue, on ne peut que se réjouir de ce rôle adopté par les Eglises locales, d’autant plus que le discours choisi par elles est sans équivoque et résolument celui de la non-violence. Jusqu’à présent, toutes les interventions des Eglises s’étaient avérées vaines. Ce dénouement sans violence est le premier fruit de ces efforts, et donc un sujet de reconnaissance tout particulier.

Le numéro de la Lettre de Nouvelles que vous tenez entre vos mains évoque essentiellement cette crise et la réponse des milieux chrétiens. Des actions et des invitations à l’action vous sont présentés, échos de ce qui se fait, encouragements à s’engager davantage. Le succès n’est pas promis, mais l’appel est si pressant qu’il ne doit pas être ignoré.

Ce numéro donne aussi des nouvelles du réseau de Church & Peace et met l’accent sur les contacts que nous entre-tenons dans la région des Balkans, car nous voulons éviter de tomber dans le travers qui consisterait à n’accorder d’attention qu’aux grands titres du moment. Nous voulons continuer à prêter attention à ce qui n’est pas ou n’est plus sensationnel mais qui est capital pour la construction de la paix, comme par exemple le dialogue interconfes-sionnel (p. 7 et 8), le travail de longue haleine pour obtenir un service civil juste (p. 8), la vie communautaire (p. 13 et p. 14)...

A noter enfin la page d’annonce des prochaines conférences régionales de Church & Peace et les indications concernant divers séminaires et rencontres. La tarification des postes allemandes exige que le contenu de nos lettres soit absolument identique dans chaque version (anglaise, française et allemande) c‘est pourquoi nous publierons à partir de maintenant les dates de séminaires et de rencontres de toutes les régions et non plus les seules dates pertinentes pour une région linguistique donnée. Ceci devrait contribuer à resserrer les liens entre les régions linguistique du réseau de Church & Peace.

Bonne lecture à chacun !

Marie-Noëlle von der Recke

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Donner un signe de solidarité, d’encouragement et d’ésperance

Church & Peace participe à un pèlerinage œcuménique pour la paix en Israël et Palestine

Un pèlerinage oecuménique pour la paix a eu lieu en Israël et Palestine du 8 au 13 avril 2002 à l’invitation des Eglises chrétiennes de Jérusalem et de groupes israëliens et palestiniens engagés pour la paix et pour les droits de la personne. Les organisateurs principaux du pèlerinage étaient Pax Christi International, le Mouvement International de la Réconciliation (MIR /IFOR) et Church and Peace. Le pèlerinage voulait être un signe de solidarité, d’encouragement et d‘espérance au coeur de la situation tragique des peuples palestinien et isaëlien prisonniers de l’engrenage de la violence

Les membres de la délégation étaient le Frère Paul Lansu (Pax Christi International), Hildegard Goss-Mayr (IFOR), Soeur Minke (Communauté de Grandchamp), Clemens Ronnefeldt (branche allemande du MIR) et Christian Renoux (branche française du MIR).

C’est l‘escalade de la violence dans le conflit qui a forcé les organisateurs à limiter le nombre des participants à cinq personnes. Au départ environ 30 pèlerins devaient faire partie de cette délégation, dont un certain nombre de membres de Church and Peace (Communauté Christusbruderschaft, Communauté de l’Arche, Quakers allemands, Laurentiuskonvent et branche italienne du MIR). Quelques uns d’entre eux se sont retrouvés du 8 au 10 avril à la Communauté d’Inshausen pour apporter leur soutien au pèlerinage par la prière et le jeûne.

Lors de l’Assemblée Générale de Church and Peace du 26 au 28 avril, les membres ont eu l’occasion d‘entendre le récit du pèlerinage et d‘explorer ensemble les possibilités de poursuivre le témoignge pour la paix dans cette région.

Traduction : MnvdR

Groupe de prière et de jeûne soutient le pèlerinage pour la paix en Israel/Palästina

Seules cinq personnes parmi la trentaine de pèlerins pour la paix ayant projeté de se rendre en Israël/Palestine sont partis le 8 avril, malgré l’escalade de la violence. Parallèlement à ce voyage, sept personnes se sont retrouvées dans la communauté d’Imshausen pour jeûner et prier ensemble.

Le but de leur rencontre était de s’imprégner de la nécessité de surmonter la fixation ambiante sur le pouvoir du mauvais, de remplir les cœurs de grâce et de créer les conditions nécessaires à la justice.

Le groupe a décidé de rester en contact chaque jeudi soir par la prière pour les hommes et les femmes qui souffrent dans le conflit du Proche Orient. Il invite d’autres personnes, et particulièrement les membres et les amis de Church and Peace, à se joindre à ce temps de prière, et à créer si possible un réseau de prières concrètes par le biais du secrétariat de Laufdorf. (Ernst von der Recke)

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“Please come! We can’t wait anymore!”

Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël

Alors que le conflit israélo-palestinien s'envenime, des représentants de plus de quarante Eglises et organisations rattachées aux Eglises, réunis à Genève les 1er et 2 février, ont convenu de la portée et du cadre du Programme Oecuménique d'accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI - Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel).

Un appel à une action œcuménique

Les représentants d’Eglises et de réseaux de paix à Jérusalem et dans les territoires palestiniens occupés ont lancé à plusieurs reprises un appel aux Eglises au niveau mondial à dépasser le stade de simples déclarations, à témoigner une solidarité active avec les Eglises de la région et à s’engager au niveau local et international pour une paix durable et juste.

L’archevêque Aristarchos de Constantine, représentant du patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem S.S. Ireneos 1er, a mis l’accent sur le fait que les chrétiens ont à jouer un rôle d’artisans de paix : « En tant que chrétiens, nous sommes des artisans de paix si nous nous référons aux paroles du Christ. Nous nous efforçons de construire des ponts entre Israël et la Palestine pour qu’à la suite de négociations les deux côtés parviennent à une résolution garantissant une coexistence pacifique et les droits des minorités chrétiennes dans leur territoire. »

Salpy Eskidjian, chargée du programme au sein de l'équipe « Relations internationales » du COE, explique que les participants peuvent s'engager dans toute une série de tâches, dont la défense des droits de l'homme, la défense des causes de paix et de justice, le soutien à la résistance non-violente menée à l'échelon local par des groupes pacifistes palestiniens et israéliens. Le programme comprendra non seulement une présence oecuménique dans les communautés confrontées à la violence mais aussi un travail de conscientisation et d’information dans le pays d’origine des participants. Le pasteur Gustaf Odquist, représentant de l’évêque Munib Yunan de l’Eglise luthérienne de Jordanie et de Palestine considère qu’il y a un lien étroit entre la présence sur place et l’information dans le pays d’envoi. Il invite à ”venir voir ce qui se passe et en parler de retour á la maison.”

Le pasteur sud-africain Daniel Ngubane a parlé de son expérience dans le comité pour la paix de KwaZulu Natal pendant la lutte contre le système de l’Apartheid dans son pays. Son impression : « Nous avons atteint un moment de Kairos entre les Israéliens et les Palestiniens. C’est maintenant ou jamais. »

Un mouvement non-violent qui prend de l’ampleur

Les participants à la rencontre qui s’est déroulée au mois de février ont constaté que le mouvement non-violent, encore modeste, mais qui prend de l’ampleur dans la région en conflit a besoin de soutien. Ghassan Andoni du Centre Palestinien pour le Rapprochement, un des fondateurs du Mouvement International de Solidarité et membre du réseau Paix Pour La Ville initié par le COE, a rappelé la manifestation du 25 décembre 2000, dont les participants ont tenté de se rendre à Jérusalem en passant par le checkpoint principal de Bethléem. À part les manifestants internationaux il y avait 30 Palestiniens. Un an plus tard, lors d’une seconde manifestation de ce type, il y en eut 700. Quelques jours après, le 31 décembre 2001, ils étaient 3000. « La différence », remarqua Andoni, « c’est qu’à cette dernière manifestation, les responsables des différentes Eglises étaient présents. Les gens ont très peur de se retrouver face à face avec les soldats israéliens. Nous devons faire en sorte qu’ils se sentent en sécurité. Ce sont les responsables des Eglises qui leur confèrent ce sentiment. »

Les Eglises et mouvements pour la paix de l’étranger se sont engagés dans des formes diverses d’observation et d’accompagnement. Christian Peacemaker Teams, un des modèles pour l’EAPPI, a une équipe stationnée à Hebron depuis 1995. CPT est un projet des Eglises mennonites américaines, de l’Eglise des Brethren, et de l’Assemblée Unie des Quakers (du Friends United Meeting). Ce programme dispose d’une longue expérience du témoignage non-violent pour la paix et la justice. Lors du développement du cadre du programme, les participants se sont également penchés sur d’autres modèles, comme les Brigades de Paix (Peace Brigades International) ou le Programme International de Solidarité et d’Observation Oecuménique en Afrique du Sud, ainsi que les efforts faits actuellement par les Unions chrétiennes de Jeunes Gens (YMCA et YWCA) et les Eglises et organisations au Danemark, en Suède et aux Etats-Unis.

Conseil Oecuménique des Églises, Bureau de la communication, extraits des communiqués de presse PR-02-06 et Up-02-02, le 11 février 2002

Traduction: Silvia von Verschuer

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Le Programme Oecuménique d'Accompagnement a pour mission “d'accompagner les Palestiniens et les Israéliens dans les actions non- violentes et les efforts concertés pour la défense de la paix et de la justice menées pour mettre fin à l'occupation “. Voici cle rôle des accompagnateurs :

• observer et dénoncer des violations des droits de la personne et du droit humanitaire international

• apporter une protection par une présence non-violente

• soutenir les actes de résistance non-violente aux côtés des militants pacifistes palestiniens, chrétiens et musulmans, et israéliens

• agir en vue de changements au niveau politique

Le programme poursuit les objectifs suivants :

• dénoncer la violence de l'occupation

• mettre fin aux brutalités, aux humiliations et aux actes de violence contre les civils

• renforcer le réseau mondial de défense des causes de paix et de justice

• veiller au respect des droits de la personne et du droit humanitaire international

• agir sur les opinions publiques et sur la politiques étrangère qui touche le Moyen-Orient pour qu’un terme soit mis à l'occupation et qu’ un Etat palestinien viable soit créé.

• exprimer la solidarité avec les militants pacifistes palestiniens et israéliens et donner des moyens d'agir aux communautés/églises locales palestiniennes

• rendre un témoignage actif au fait qu'il est possible de mettre un terme à l'occupation illégale de la Palestine en menant un combat différent et non-violent pour la justice et la paix

L'EAPPI est ouvert à toutes les Eglises et les organisations oecuméniques du mouvement oecuménique.

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Service œcuménique pour la paix en Palestine et Israël

Bonn, le 17-3-2002. Un service œcuménique pour la paix en Israël et en Palestine a été fondé par cinq organisations du monde de l’Eglise en Allemagne, à savoir le Service de développement protestant (Evangelischer Entwicklungsdienst ), Pain pour le Monde (Brot für die Welt) - organisation humanitaire de développement, l’organisation catholique Pax Christi, le Service Missionaire en Allemagne du sud-ouest (Evangelischer Missionsdienst in Südwestdeutschland), le Service Missionaire en Allemagne (Evangelischer Missionsdienst in Deutschland).

Lors d’une rencontre qui eut lieu le 12 mars à Bonn, les cinq organisations ont décidé d’envoyer un groupe d’ « accompagnateurs » œcuméniques dans la région en crise. En collaboration avec d’autres accompagnateurs œcuméniques venant d’autres pays, ils ont pour mission d’apporter un soutien aux initiatives et actions non-violentes pour la paix qui ont pour but de faire cesser l’occupation des territoires palestiniens. Ils auront aussi pour tâche d’informer sur les atteintes aux droits de la personne et les infractions au droit international.

Ce faisant, les organisations protestantes et catholiques participent au Service d’Accompagnement Oecuménique en Palestine et en Israël - Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel (EAPPI) du Conseil Œcuménique des Eglises à Genève. Dans le cadre de la décennie Vaincre la Violence, celui-ci concentre cette année les efforts de son travail sur le conflit israélo-arabe.

Les collaborateurs du service pour la paix travailleront entre 3 et 12 mois auprès des Eglises et des organisations pour la défense des droits de la personne. Il est prévu que les premiers accompagnateurs œcuméniques puissent faire le voyage en juin. Par cette initiative, les 5 organisations répondent à l’appel des Eglises palestiniennes de ne plus se limiter à des déclarations mais d’entreprendre des démarches de solidarité concrète.

Evangelischer Entwicklungsdienst e.V. - Service de Développement Protestant

Traduction : Silvia von Verschuer

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Des artisans de paix du Moyen - Orient se réunissent en Jordanie

Randal Nickel

Amman, Jordanie – Lorsque j’écoute les informations ici au Moyen-Orient, il m’est facile de croire qu’il ne reste plus d’espoir. Chaque jour les gens subissent les bombardements et par milliers, ils vivent dans la peur des attaques.

Pourtant, lors d’une rencontre récente ici à Amman, j’étais entouré de personnes décidées à travailler pour la paix. Cette rencontre a réuni des étudiants du Moyen-Orient venus de l’Institut pour Construire la Paix (SPI) de l’Université d’été de la faculté “Eastern Mennonite”, Harrisonburg, Virginie, USA. Même si les contraintes financières et les déplacements rendent la réunion en tant que groupe régional, difficile, vingt personnes se sont rencontrées à Amman en Jordanie pour partager leurs expériences et faire des projets pour une collaboration future.

J’ai été frappé par la capacité de ces artisans de paix au Moyen-Orient à poursuivre leur travail et à maintenir un sentiment d’espoir au milieu d’une violence extrême et de l’effondrement économique. Le groupe décrit la situation à Béthléhem, où les gens ont eu des difficultés à célébrer la naissance du Christ sur le lieu même de sa naissance. Des hôtels construits l’an passé pour accueillir la foule des touristes pour la célébration du millénaire sont vides et endommagés par des obus et des balles.

« Ce qui me donne de l’espoir, en tant qu’artisan de paix, c’est de regarder mes amis qui ont participé au programme SPI et de voir qu’ils sont vraiment engagés pour la paix » dit Lourdes Habash, un participant palestinien. Lourdes souhaite que la prochaine génération palestinienne puisse vivre dans une atmosphère différente, plus paisible, mais elle pense que cela n’arrivera que si les gens travaillent pour la paix.

Pour les participants palestiniens, le voyage à Amman était plein d’incertitudes. On ne pouvait savoir à l’avance si les Israéliens leur permettraient de traverser le pont de la rive gauche vers la Jordanie.

Cette incertitude renvoie aux difficultés que rencontrent la plupart des palestiniens de la West Bank lorsqu’ils veulent voyager.Quelques-uns des participants ont perdu leur emploi parce qu’ils ne peuvent se rendre sur le lieu de leur travail.

Vivre dans une société d’après-guerre comme le Liban comporte des défis et des possibilités. Durant de nombreuses années (et aujourd’hui encore) on a considéré avec méfiance les personnes qui travaillent pour la paix. Armen Balian du Réseau Libanais de Résolution des Conflits dit qu’il puise son espérance dans l’observation que « les gens sont saturés de violence et prêts à essayer des alternatives à cette violence ».

Beaucoup de participants ont souligné que c’est leur foi qui leur permet de continuer. Saliba Taweel et Zoughbi Zoughbi ont expliqué que »la foi nous donne l’espérance et nous encourage à travailler dans ce domaine ». Ils ont aussi parlé de la présence de « voix prophétiques », comme par exemple le MCC et d’autres qui les ont aidés à renouveler leur engagement pour le travail en faveur de la paix.

Fadi Abi Allam résume ainsi les sentiments du groupe : “Ma foi en Dieu me conduit à travailler pour la paix, rien n’est impossible si nous croyons en Dieu.”

Randal Nickel est co-représentant régional du MCC au Liban.

MCC News Service, 25 janvier 2002

Traduction : Louise Nussbaumer

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Du sang, de la sueur et des larmes

Dianne Roe, Christian Peacemaker Teams

“Damm, damm, damm!” disait l'oratrice ce samedi à Jerusalem.

Ce n'était pas une injure en anglais, puisque l'oratrice parlait en hébreu du haut de l'estrade dressée lors d'une manifestation organisée par le mouvement “Peace Now” (“La paix maintenant”). Harriet debout à côté de moi traduisait : “Du sang, du sang, du sang !” Nous étions parmi plus d'un millier d'Israëliens et d'étrangers réunis à Jérusalem Ouest.

Je connaissais le mot “damm”. C'est le même mot en arabe, prononcé avec un accent sur le “a”. En hébreu ou en arabe, j'ai entendu ce mot beaucoup trop souvent depuis que je suis ici. “Qu'attendait Sharon en attaquant un camp de réfugiés ?” traduisit encore Harriet, une amie israelienne.

“Du sang, du sang, du sang.” Damm, damm, damm.

Avant que le discours ne commence, une femme pleurait doucement près de moi. Tous baissaient la tête sous le coup de la nouvelle de l'attaque suicide de Palestiniens une demi-heure avant à Jérusalem Ouest et de l'attaque israëlienne contre les 20'000 réfugiés du camp de Balata. Avec mes compagnons des Equipes Artisans de Paix (Christian Peacemaker Teams), Janet Shoemaker, Nathan Bender, Sue Rhodes, Bret Davis, nous avons partagé ces moments de silence.

A la fin de la manifestation, Aya, une autre amie israëlienne, nous rejoignit. Ensemble, nous nous sommes rendus à l'hôpital de Makassed au Mont des Oliviers. Là, plus d'une centaine d'Israëliens faisaient la queue pour donner leur sang en faveur des centaines de victimes des camps de réfugiés de Balata et de Jenin dans le nord du pays.

Le lendemain dimanche, je téléphonais à Aya pour savoir comment elle allait. Nous avons évoqué ce qu'elle avait vécu la veille : Aya avait travaillé avec moi dans le sud à dégager les debris d'une maison détruite par les Israëliens, elle avait défilé avec “Peace Now” à Jérusalem, elle avait entendu la nouvelle de l'attaque suicide, avant d'aller donner son sang pour les Palestiniens habitant le nord du pays.

Sa voix était chargée d'emotion. Elle raconta qu'à l'hôpital la veille, alors qu'il transmettait les remerciements des Palestiniens aux donneurs de sang israëliens, le traducteur avait de la peine à retenir ses larmes.

Beaucoup de sang a été répandu la semaine passée. Mais samedi soir, le sang a été donné librement - entre autres par d'anciens soldats israëliens ayant refusé de servir dans l'armée. Ce sang restaurera la vie, ne l'ôtera pas. Soyons reconnaissants pour ces Israëliens et ces Palestiniens qui partagent leur sang librement. Travaillons ensemble à reparer les dommages de la guerre, en partageant le sang, la sueur et les larmes. Que ces actes d'amour se poursuivent et se multiplient.

Traduction : Michel Sommer

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AUTOUR DU MONDE

• Réflexions sur une réponse pacifiste face aux actes de terrorisme

Tony Kempster

Nos préoccupations et nos actions depuis le début de l’au-tomne ont été fortement marquées par les événements tragiques du 11 septembre et ses répercussions. La fraternité Anglicane Pacifiste (APF) s’est impliquée activement dans la campagne contre les bombardements américains et s’est jointe très rapidement à un réseau constitué par les organisations engagées pour la paix et créé pour faire face à la menace pour la paix représentée par ces événements. Par ce biais l’APF a pu participer à la préparation de campagnes contre les bombardements en Afghanistan et se tenir au courant des actions organisées par la Coalition Contre la Guerre, mouvement plus large encore. Des membres de l’APF ont participé à des manifestatons et à des vigiles organisées à Londres et dans le reste du pays.

Depuis septembre, le secrétaire de l’APF, Tony Kempster, s’est exprimé lors de plusieurs rassemblements concernant la réponse pacifiste face aux actions terroristes. Kempster constate que “de toute évidence il faut trouver de nouvelles règles diplomatiques, culturelles et économiques à l‘échelle mondiale pour éliminer le terreau favorable à un tel terrorisme. Cependant, même si l’APF dénonce clairement la guerre moderne, il faut reconnaître qu’il semble parfois difficile d’adopter une position adéquate pour définir quelle devrait être l‘action du gouvernement pour garantir la sécurité dans l’immédat. Il existe une marge très étroite entre l‘action policière et l’action militaire en réponse à la menace imminente d’une attaque terroriste de grande envergure.

En fin de compte il faut avoir une vue globale de la situation mondiale et dénoncer toute violence réelle et institutionnelle qui est à l’origine de ce terrorisme. L’usage de la force ne peut apporter qu’un certain répit en attendant la mise en place d’un ordre moral plus juste.

De plus, Tony Kempster estime que pour lutter contre ce terrorisme apocalyptique, il faudrait aussi veiller fortement à lui enlever toute forme de légitimité religieuse. Ce travail sera le mieux accompli sur le terrain de la foi et par conséquent sous les auspices des communautés de foi. Celles-ci doivent faire tout leur possible pour encourager la mise en oeuvre des stratégies spirituelles conçues par les Eglises pour établir la paix. Voilà une tâche essentielle pour tous les chrétiens pacifistes engagés dans leurs paroisses et Eglises respectives.

Tiré de "The Anglican Peacemaker", février 2002

Traduction: Katia Dinh

• Prière inter-religieuse pour la paix

Ferne Burkhardt

dans le contexte de tension que vit notre monde actuellement, nul gouvernement ou groupe ne devrait se servir de la religion pour justifier l‘usage de la violence, la guerre ou le terrorisme. Bien au contraire, toutes les religions devraient s’engager ensemble pour la justice et pour la paix.

Ce sont ces convictions fortes qui ont amené le Pape Jean-Paul II à inviter des responsables de toutes les grandes religions à se réunir à Assise en Italie le 24 janvier 2002 pour prier pour la paix dans le monde. Les responsables de nombreuses dénominations chrétiennes allant de l’Eglise orthodoxe aux évangéliques et aux quakers ainsi que des responsables de la communauté juive et musulmane et des représentants de plusieurs religions orientales ont répondu á l‘invitation du Pape.

La première session de la rencontre fut consacrée à des “témoignages pour la paix“ apportés par des participants. La deuxième session fut consacrée à la prière, les participants s’étant répartis par groupes confessionnels à différents endroits de la ville.

Lors de la cérémonie de clôture, le Pape Jean-Paul II déclara: “Plus jamais la violence, plus jamais la guerre, plus jamais le terrorisme ! Au nom de Dieu, que toutes les religions contribuent à construire un monde de justice, de paix, de pardon, de vie et d’amour.“

Communiqué de presse de la Conférence Mennonite Mondiale, le 4 février 2002.

Traduction : Katia Dinh

Les délégués réunis lors de cette rencontre et qui représentaient 12 grandes religions et 31 Eglises et communautés chrétiennes publièrent une déclaration commune. Celle-ci fait état de 10 engagements concrets pour la paix et le dialoque. Church & Peace a signé une pétition préparée par le Mouvement Italien de la Réconciliation (membre de Church & Peace) et par le Mouvement italien de la communauté de l’Arche appelant à la convocation d’une rencontre internationale pour la paix et la non-violence (Informations auprès de Maria Antonietta Malleao Tel./Fax : +39 91302484, email : antoeile@eticare.it)

• Poursuite du dialogue entre mennonites et catholiques

Ferne Burkhardt

Assise, Italie La quatrième rencontre consacrée au dialogue entre mennonites et catholiques a eu lieu du 27 novembre au 3 décembre 2001. Parrainné conjointement par la Conférence Mennonite Mondiale (dont le siège est à Strasbourg) et le Conseil Pontifical chargé de la promotion de l‘unité de tous les chrétiens (dont le siège est au Vatican), ce dialogue a débuté en 1998. Cinq rencon-tres étalées sur cinq ans ont été prévues, le processus devant être clos par la publication d‘un rapport.

L’objectif principal de ce dilogue est une meilleure com-préhension réciproque concernant les positions spécifiques de chaque partie dans le domaine de la foi chrétienne. Il doit aussi servir à surmonter les préjugés qui existent entre mennonites et catholiques depuis le 16ème siècle et contribuer à la guérison de la mémoire.

Les thèmes auxquels se consacrera le rapport final sont: la nature de l’Eglise, l’engagement commun pour la paix et les questions tournant autour de la guérison de la mémoire. La cinquième et dernière rencontre aura lieu en octobre 2002.

Tiré d'une déclaration commune de la Conférence Mennonite Mondiale et du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité Chrétienne (28 janvier 2002)

Traduction : Katia Dinh

• Le service civil en Suisse - un chemin encore plein d’embûches

Bruno Sägesser-Rich

Depuis 1996 chaque objecteur de conscience suisse doit fournir un curriculum vitae et une justification détaillée d’au moins trois pages, dans laquelle il doit expliquer les motifs de son objection au service militaire. Une commission de trois personnes se réunit quelques mois plus tard et clarifie au cours d’une audition d’une heure si cette justification est suffisante pour donner droit au service civil (qui dure 1 fois et demi plus longtemps que le service militaire). Environ 80% des hommes faisant cette démarche pénible sont admis au service civil.

Un objecteur de conscience a été condamné en décembre 2001 à 5 mois de prison aprés avoir échoué à l’audition. Pendant son séjour en prison il a entamé une grève de la faim de 40 jours, qu’il a arrêtée à Pâques 2002.

Le comité de service civil suisse, auquel participent aussi des mennonites, a soutenu ce jeune homme et mobilisé l’opinion en Suisse et à l’étranger par des conférences de presse, des stands et des lettres d’information Plus de 15.000 signatures ont été réunies et les services d’administration ont été exhortés à abolir l’examen de conscience. Lors d’une session à la mi-mars 2002, le Conseil National a voté par 98 voix contre 63 de ne pas délibérer sur des modifications éventuelles à la loi du service civil. Une commission aurait à élaborer au préalable des propo-sitions pour un ‘modèle de preuves matérielles’, si possible sans examen de conscience. Cela ressemble à un succès. Malheureusement certains députés conservateurs qui ne désirent aucune modification, voire amélioration, ont appuyé cette motion . Cela peut faire craindre que rien ne bougera vraiment.

Le comité de service civil suisse aura à poursuivre son travail d’information, afin que la population sache de quoi il s’agit. A l’occasion de la quête de signatures, on a pu se rendre compte que les gens croient généralement que le problème du service civil de la Suisse a été résolu dès 1996. Un travail de lobby auprès des parlementaires devra également être organisé.

Le but à atteindre est l’abolition de l’examen de conscience. Il faudrait également frayer un chemin aux hommes désirant prolonger leur service civil. Nous n’en sommes pas encore là. Il nous faudra encore beaucoup de sagesse et de patience.

Traduction : Silvia von Verschuer

Bruno Sägesser, lui-même objecteur de conscience, est mennonite et membre du conseil d’administration de Church and Peace. En tant que membre du Comité Mennnoite Suisse pour la Paix il a participé à la campagne pour l’établissement d’un service civil en Suisse. Actuellement il conseille des jeunes objecteurs de conscience losqu’ils se préparent à l’audition devant la commssion chargée de l’examen de conscience.

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Dans 20 ans on posera la question “Où était l’Eglise ?”

Voyage dans les Balkans, 2ème partie

Marie-Noëlle von der Recke

Notre dernière Lettre de Nouvelles avait rendu compte d’impressions de voyage recueillies lors de visites en Voivodine et en Croatie. Un second voyage organisé au mois de mars 2002 a permis de rencontrer des amis de Church and Peace en Serbie, en Macédoine et au Kosovo. Cette fois encore nous étions deux, Margrit Kruber Arnold, présente à nos deux dernières conférences internationales et membre individuel de Church and Peace, et moi-même. Les étapes de ce voyage furent Belgrade, Kumanovo, Skopje, Pecs/Peija, Decani, Pristina, Mitrovica, Belgrade. Un voyage circulaire en quelque sorte, qui nous a permis de voir certains aspects du travail accompli en faveur de la paix dans chacun des pays traversés et de nous mettre à l’écoute des réflexions des uns et des autres sur les divers thèmes qui préoccupent les Eglises dans chaque contexte.

Notre voyage nous a mises en contact avec :

• Bread of Life, organisme humanitaire de Belgrade (voir récit de Hans Jakob et Renate Galle)

• le Centre inter-religieux de Belgrade

• “Confiance“, organisme de développement psycho-social dans les milieux les plus pauvres et parmi les réfugiés de la région de Kumanovo travaillant sur une base non-violente

• une oeuvre d’entraide de mères seules, également à Kumanovo

• Agape, oeuvre humanitaire des Eglises évangéliques de Macédoine,

• Caritas Macédoine et Ceres, organisme humanitaire catholique américain travaillant en Macédoine

• Néhémie, oeuvre humanitaire et d’évangélisation

• Plusieurs responsables et représentants d’Eglises de toute confession: le Mufti et le rabbin de Belgrade , des religieux orthodoxes (malheureusement la rencontre avec l’évêque Lavrentije et avec le Père Sava du monastère de Decani que nous avions espérées n’ont pas pu se réaliser), plusieurs prédicateurs et prédicatrices des Eglises évangélique, pentecôtiste et méthodiste .

De nombreuses impressions recueillies lors du voyage en Croatie et en Voivodine se sont confirmées lors de ce second voyage.

La plupart des personnes et des projets visités sont la preuve vivante que les médias ne reflètent le plus souvent qu’un aspect de la réalité, se complaisant à mettre en évidence la grisaille et la déprime qui régnent à Belgrade ou l’atmosphère tendue à la fontière de la Macédoine.

Nous avons été frappées pour notre part par l’atmosphère joyeuse et dynamique du bureau de Bread of Life, véritable ruche où la journée commence par un temps de culte après lequel les employés et les bénévoles se dispersent dans les différentes branches de travail. L’engagement des responsables dans un processus de réflexion concernant l’avenir au moment où la phase purement “humanitaire“ arrive à son terme et leur désir profond de mettre leurs capacités au service de la construction de la société sur des fondements nouveaux nous ont profondément impressionnées.

Nous avons retrouvé la même énergie chez les femmes qui nous ont présenté le projet “Confiance“, à Kumanovo: une équipe de professionnels (médecins, psychothérapeutes, sociologues) travaille à la réduction des fractures de la société macédonienne. Elle organise toutes sortes d‘activités (séminaires, rencontres, cours de langues....) visant à rendre la communication possible, à créer des liens d’amitié et de confiance vis à vis des minorités ethniques (albanais, tziganes) et à favoriser un retour à une vie normale pour les personnes déplacées et traumatisées.

Arrivées au Kosovo, nous avons été choquées par l’étendue des destructions mais nous avons vite remarqué que notre hôte albanaise, responsable d’une petite église évangélique, avait un tout autre regard que le nôtre et exprimait sans cesse sa reconnaissance pour les progrès de la reconstruction dans son pays.

Tout au début et tout à la fin de notre voyage, la rencontre avec Marijana Ajzenkol du Centre pour le Dialogue Interreligieux nous a permis de constater comment avec des moyens simples il est possible de susciter la rencontre et par là-même une meilleure connaissance et compréhension de l’autre.

Comme en Voivodine et en Croatie, nous avons constaté le rôle capital joué par les femmes dans les projets visités. Tout semble se passer comme si au coeur de la catastrophe le sexe dit faible avait trouvé en soi des ressources inespérées de créativité et de foi.

Nous avons aussi constaté avec joie que les méthodes de résolution non-violente des conflits ( la “communication non-violente“ selon la méthode de Marshall Rosenberg, pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres) font leur chemin dans les Balkans et qu’à la suite de la rencontre de Church and Peace à Elspeet en avril 2001 Joe Campbell et le réseau irlandais de médiation donnent une série de séminaires en Macédoine.

Ceci étant dit, notre voyage nous a confrontées à des problèmes et à des points d’interrogation qu’il faut mentionner également:

Les dégâts matériels causés par la guerre, les problèmes économiques, la pollution

Les besoins dans ce domaiine dépassent de bien loin ce que les ONG peuvent faire , même si elles font déjà des “miracles“(Bread of Life se concentre entretemps sur la création d’emplois, et collabore comme Agape à des projets remarquables de reconstruction de maisons d’habitation). Dans le domaine de la pollution en particulier, on peut se demander qui va s’attaquer aux problèmes colossaux qui se posent. Nous sommes reparties avec l’impression que l’Europe ne se fera pas vraiment si elle ne regarde pas en face ce genre de questions, et ce au plus haut niveau.

Les tensions inter-ethniqes et inter-religieuses

Là aussi, il y a un énorme chantier, et trop peu d’ouvriers..

Le Mufti de Belgrade nous a montré que les prises de position de responsables religieux peuvent avoir une certaine influence -il cite volontiers la déclaration commune faite par lui et le patriarche Pavle au début des années 90 et constate qu’à Belgrade-même l’appel lancé a été entendu mais malheureusement pas au delà de la Serbie.

Mirco Andreev, de l’Eglise évangélique de Skopje, présent à Elspeet, a écrit une lettre ouverte aux membres du Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe de Macédoine pour les encourager à se faire l’écho de la voix de Dieu et non de celle des politiciens (voir Eglise & Paix, été/automne 2001). Sa déclaration lui a valu la désapprobation de la presse séculière macédonienne et le silence de l’Eglise.

Nous avons eu la tristesse de constater que le monastére orthodoxe de Decani, qui s’était engagé de manière exemplaire en faveur de la paix lors de la guerre du Kosovo et avait accueilli des réfugiés de toute origine - y-compris des albanais- a désormais besoin de la protection de la KFOR après avoir subi des attaques au mortier. Des rumeurs malveillantes circulent à son sujet et au sujet de son action pendant la guerre. C’est sous la garde d’un officier italien que nous avons pu le visiter.

Nous avons constaté aussi la profondeur du fossé qui sépare les Eglises officielles et les petites Eglises, et la tenacité des préjugés réciproques. L’Eglise orthodoxe semble avoir du mal à reconnaître et à accepter l’émergence des Eglises libres comme un phénomène somme toute normal dans une société sécularisée. Les Eglises évangéliques, de par leurs nombreux contacts avec les chrétiens du monde entier, vivent avec un horizon différent qui n’est guère propice à un rapprochement avec l’Eglise officielle. Elles souffrent d’être qualifiées de sectes mais sont, par leur dynamisme-même et par leur engagement, un facteur indéniable de renouveau de la société.

L‘engagement plein d’élan de nombreuses femmes nous a rendues d’autant plus sensibles au malaise profond, à la colère, l’humiliaton et l‘amertume qui habitent certains des hommes aves lesquels nous avons parlé (en Serbie surtout). On doit se demander qui s’attaquera à ce problème-là.

Que rapportons nous de ce voyage et que signifie-t-il pour le travail de Church and Peace ?

Tout d’abord, nous rapportons un vrai trésor de rencontres avec des personnalités remarquables et d’anecdotes savoureuses: j‘avais d’abord pensé intituler cet article: “J’avais froid, et le Mufti de Belgrade m’a prêté son burnou, nous avions faim, et l’officier de la KFor nous a invitées à la cantine de la caserne de Decani“. J’aimerais redire les incidents extraordinaires évoqués par Beba Varga lorsqu’elle relate ses expériences pendant dix années de guerre et de travail humanitaire. Je voudrais raconter une promenade le long du Danube dans la douceur d’une soirée printanière agrémentée par l’humour inébranlable de Marijana Ajzenkol mais aussi évoquer les trajets interminables en bus et la gentillesse des passagers. Je voudrais redire ma reconnaissance à tous ceux qui nous ont offert l’hospitalité : Jasmina, Ellie, Ed, Radko, le Père Stojadin, Marijana et Hanna à Belgrade, Stojan à Kumanovo, Merita, Monsignor Cirimotic et Ingrid à Skopje, Bukurije à Peja...

Toutes ces rencontres sont une invitation à prier plus concrètement et à participer davantage au tissage du réseau entre personnes et organismes liés tout naturellement par des types d‘engagement analogues. Comme dans l’Europe d’après la seconde guerre mondiale, la guerre dans les Balkans a redéfini les relations entre les pays belligérants. On est parvenu à une situation politique qu’il faut bien accepter et reconnaître. Au delà de la tâche de reconstruction purement matérielle et qui se fait à l‘intérieur de frontières nouvelles définies par la guerre, un défi est lancé à nos amis des Balkans et à nous-mêmes, une tâche de bien plus longue haleine : participer à reconstruire la confiance et la rencontre, apporter notre contribution à la reconstruction spirituelle. Cette tâche-là ne s’accomplira qu’en dépit des frontières.

Ce défi concerne tout particlièrement les Eglises. Comme notre ami Mirco Andreev de Skopje le disait très justement: “dans dix ou vingt ans, on posera la question : Où était l‘Eglise ?“

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NOUVELLES DU RESEAU

• Les membres de Bokor font une marche pour la paix

Terri Miller

Le 21 octobre 2001, environ 250 personnes se sont mobilisées pour la paix à Taszar, où se trouve la base militaire de l’OTAN la plus importante de Hongrie. Elles ont participé à une marche non-violente pour la paix organisée par le mouvement Bokor, qui les a conduits de Kaposvar à Taszar. Les marcheurs s’élevaient contre la violence -- que ce soit une attaque terroriste ou des représailles “justifiées” -- en signe de solidarité adressé à toutes les victimes de la violence, quelque soit leur nationalité.

Bien que les circonstances motivant cet événement aient été tragiques, le rassemblement lui-même fut joyeux. A Taszar, le groupe adressa une pétition au maire, planta des arbustes dans le parc du village et partagea un repas. Pour faire ces 15 km de marche, les participants étaient venus à Kaposvar d’un peu partout en Hongrie; ceux qui venaient de Budapest commencèrent par une messe célébrée dans le train par le Père Gyorgy Bulanyi.

Trad : SGP

• Impressions de Belgrade

Hans Jakob et Renate Galle

Début octobre 2001 nous avons visité l’oeuvre d’entraide évangélique “Pain de Vie“ (Bread of Life) à Belgrade. Cet organisme reçoit depuis plusieurs années un soutien régulier de l‘oeuvre d‘entraide des mennonites allemands ainsi que de l’oeuvre d’entraide des Mennonites américains (MCC). Durant les dernières années nous avions fait la connaissance de Jasmina Tosic. une des responsables de “Bread of Life“ dans le cadre de l’oeuvre d’entraide ou de Church and Peace. Suite à son invitation, nous nous sommes rendus à Belgrade pour mieux connaître le fonc-tionnement de cet organisme et pour mieux comprendre la situation en Serbie.

Voici en bref ce que nous avons constaté, tout d’abord concernant l’état des choses en Serbie: sur environ huit millions d’habitants, il y a 10% de réfugiés et de personnes déplacées, tous venus des autres régions de l’ex-Yougoslavie, et qui se retrouvent souvent dans des conditions de vie misérables. Depuis la chute de Milosevic, la situation économique ne s‘est guère améliorée: en effet, les usines détruites pendant l’offensive de l’Otan n’ont pas réouvert leurs portes et les prix ont augmenté au même rythme que les salaires. Le taux officiel de chômage - sans allocation de l’Etat - est de 27 %. Chaque salarié gagne en moyenne 90 ¤ par mois alors qu’il faut compter 125¤ pour pouvoir payer les denrées alimentaires de base, les produits de toilette et l’électricité pour une famille de 4 personnes. Ce sont surtout les personnes âgées ainsi que les familles nombreuses qui sont les plus démunies, et bien sûr les réfugiés.

Voici quelques informations concernant les nombreux domaines dans lesquels l’organisme Bread of Life est à l’oeuvre: eviron 80 personnes - qui touchent un modeste salaire pour leur travail - tentent d’apporter aux plus pauvres des moyens de survie. Ils viennent en aide à des réfugiés logés chez des particuliers. Chaque mois, ils distribuent des colis de denrées alimentaires dans dix régions et plus de cinquante villages, ainsi que des articles d’hygiène et des vêtements d’occasion. Les hôpitaux et les orphelinats bénéficient également de cette aide. En été 2001, des maisons ont été construites pour 150 familles en collaboration avec un organisme britannique. Environ 400.000 personnes ont déjà pu bénéficier de l’aide de Bread of Life à Belgrade et dans les environs.

Par ailleurs, Bread of Life travaille à donner aux personnes en difficultés les moyens de devenir autonomes en leur fournissant des serres pour la culture des légumes - ainsi que la formation appropriée -, des machines à coudre ou des boîtes à outils, des vaches ou des poules pondeuses. Une partie des premiers produits récoltés ou réalisés doivent être transmis à d’autres personnes dans le besoin. Un atelier de couture fournit du travail et un revenu modeste à un groupe de femmes. Depuis plusieurs mois, ces femmes ont aussi assumé le travail d‘une collègue atteinte du cancer et lui ont versé l’argent sans lequel sa famille n’aurait pu subsister. Cette solidarité nous a beaucoup touchés !

Ce qui nous a également beaucoup impressionnés, c‘est le fait que le travail des membres de Bread of Life est considéré par eux comme un culte rendu à Dieu, comme l’expression de leur foi chrétienne, et qu’il est accompli sur un fondement profondément spirituel.

Traduction : Kati Dinh

• Mettre la main à la charrue

Bertrand Slavic

En 2001 le MIR romand a continué son labeur quotidien: proposer sa charrue aux chrétiens de toutes confessions pour creuser le sillon de la découverte d’un Christ non-violent. Ainsi, nous sommes intervenus auprès de plusieurs Eglises dans notre région. Nous avons rencontré des chrétiens qui se posent beaucoup de questions au sujet des conflits et de la violence. Plusieurs sont d’accord avec la thèse que Jésus est non-violent, mais beaucoup se retrouvent face aux immenses pierres du découragement. Comment faire quand la plupart des lieux de vie sont envahis par la violence sous toutes ces formes ? La question est simple, la réponse n’est pas des plus faciles. Le sillon du Christ et de ses disciples en vérité, s’est creusé dans la sueur, les douleurs, voire le sang des innocents.

Durant cette année 2001, nous nous sommes aussi rapprochés des sillons creusés par d’autres mouvements chrétiens non-violents. L’idée est de labourer chacun non pas dans son coin, mais d’avoir un but commun sans forcément creuser le même sillon. C’est ainsi que nous avons concocté un communiqué de presse commun avec le Village de la Paix à Broc et Pax Christi Suisse pour sensibiliser un maximum de chrétiens à la votation sur le service civil pour la paix.

Enfin, nous allons reprendre les sillons de notre projet “Diaconie” : pour commencer contacts plus suivis avec l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud; propositions d’animation et de formation aux prêtres et pasteurs, assistants pastoraux et diacres. Nous espérons que les semailles des années précédentes porteront beaucoup de fruit et que la moisson attirera de nouveaux ouvriers…

Tiré du Rapport d’activité 2001 du Mir romand

• Nouvelles de Grandchamp

Ste Elisabeth (Jérusalem)

s.Claire-Irène nous écrivait l’été dernier: “C’est un grand défi de rester signe d’espérance et de vie... Se tenir simplement devant Lui, suspendues à la miséricorde, c’est tout ce que nous pouvons faire. Ce que nous pouvons partager, c’est ce que nous essayons de vivre entre nous, jour après jour, très pauvrement dans une grande vulnérabilité: les réconciliations, le pardon, la confiance, les continuels recommencements, l’amour mutuel, les petites joies de la vie, et ce sont nos mains vides. Pour être un lieu où Dieu puisse se dire au monde nous avons à laisser le Christ creuser en nous ce regard de foi, ce regard de compassion dans le silence, laisser grandir en nous l’Amour afin d’être une parole vraie et de permettre à la lumière de transpercer les ténèbres qui nous entourent. Nous sommes des mendiants entre le ciel et la terre, entre le déjà et le pas encore. Nous sommes là pour accueillir le cri qui monte du désarroi de tant d’êtres, de notre voisine (juive peu pratiquante) par exemple - cela pourrait être aussi celui d’un ami palestinien... En me voyant elle laisse libre cours à son angoisse: “Mais enfin où est-il, Dieu? S’il était là il ne laisserait pas faire tout ce mal...”. J’essaie, très maladroitement, d’esquisser une réponse qui ne vient pas. Alors, je me tais, impuissante; de plus en plus silencieuse, je réalise que ce n’est pas une réponse que j’ai à donner. Je dois être simple-ment une présence d’amitié, de solidarité dans la souffrance, une présence qui écoute et qui compatit. Et dans le calme qui revient, je fais cette expérience bouleversante, que nous nous rejoignons alors, à un autre niveau, dans une profonde communion dans l’essentiel, où les mots deviennent superflus...”

Alger

Au milieu de beaucoup de violence, de découragement, s. Renée et s. Anne-Geneviève partagent le quotidien souvent difficile de ceux et celles qui les entourent. Le départ des frères qui espéraient retourner à Tibhirine laisse un grand vide. “Comment vivre en communion dans l’acceptation d’un vrai pluralisme où chacun soit respecté, accepté, mis en route vers un but commun? aussi bien en politique que dans l’Eglise, les familles, - dans le dialogue avec l’islam -? Question essentielle posée dans le pays, par le pays” écrivait s. Renée.

Grandchamp

Comme dans les autres lieux, l’appel à la réconciliation, à l’unité travaille tout le corps et nous rejoint souvent là où nous sommes le plus vulnérables. La situation actuelle nous voit très démunies parfois pour répondre aux besoins internes de la communauté, sans même parler des sollicitations extérieures! Cela nous exerce à grandir dans une attention aux autres à bien des niveaux et à grandir dans une solidarité, une meilleure “circulation” entre les différents lieux.

Nouvelles de Grandchamp 2001

• Continuité et renouveau - Chapitre général de l’Arche

Résumé d’un rapport de Liliane Bach Bairam

Le chapitre général de l’Arche de Lanza del Vasto s’est tenu du 2 au 6 janvier 2002 dans la communauté de St Antoine à St Marcellin. La secrétaire générale de Church and Peace y a participé à titre d’observatrice, Liliane Bach Bairam en tant que représentante des alliés de l’Arche en Allemagne.

Pendant les trois jours qu’a duré le chapitre général, j’ai eu l’impression d’assister à une naissance. Une citation de Lanza del Vasto résonne encore dans ma tête : « L’Arche est sans cesse en fondation », ainsi que les paroles d’une compagne : « L’idée fondamentale de l’Arche est de se plier à sa conscience, et non aux lois. » La réflexion sur l’avenir de l’Arche tenta donc d’éviter le plus possible toute étroitesse et de faire preuve de toute l’ouverture nécessaire.

On travailla surtout à la règle dont les thèmes découlent des sept vœux des compagnons, ainsi que de la vie communautaire. La non-violence, le partage, le travail manuel et l’obéissance à la règle jouent un rôle essentiel. Après le dernier chapitre, les compagnons s’étaient efforcés de répondre par écrit à des questions comme : « Dans quelle mesure est-ce que je vis selon la règle ou non ? Y a t-il des éléments dans la règle auxquels on pourrait renoncer aujourd’hui ? » Dans l’assemblée plénière, on discuta des résultats de cette enquête.

Jean-Baptiste Libouban, le pèlerin, mit l’accent sur la règle fondamentale concernant le « travail manuel ». Il déclara que l’Arche ne devrait plus nécessairement s’appeler « Ordre laborieux », mais que le travail manuel reste un instrument important pour le quotidien ; que l’idée du partage et du service mutuel est un autre élément fondamental et absolument inhérent à la règle ; que l’appellation “ordre” ne convient d’ailleurs plus à la communauté et qu’il souhaiterait un autre concept plus adéquat. Il encouragea néanmoins les compagnons se plaignant du grand écart existant entre la doctrine du fondateur et la réalité de leur situation de vie à ne pas prendre cette doctrine à la lettre. De leur côté, certains des compagnons plus jeunes et des novices firent part de leur bonheur de vivre dans une communauté de l’Arche, disant que pour eux ni les vœux, ni la règle ne constituaient un obstacle particulier.

On traita aussi de la question de savoir s’il faut continuer à prendre les décisions à l’unanimité et par consensus. L’Arche a besoin d’une structure de décision plus différenciée. L’ancien principe de l’unanimité a souvent été cause de stagnation et de frustration et doit être remplacé par un système où l’unanimité a sa place, mais n’est pas automatiquement prédominante. Enfin, on parla aussi de la succession du couple de pèlerins, Jean-Baptiste et Jeannine Libouban.

Une commission consituée pour la première fois à la suite d’un vote a pour tâche de se consacrer pendant un an aux questions traitées, et particulièrement à la question de la relève du couple de pèlerins. La commission restera en contact permanent avec ce dernier et les membres.

Toute cette « naissance » fut accompagnée et encadrée par des chants, des prières, des danses et la chaude hospitalité des gens de St Antoine. L’esprit de l’Arche était présent et bien vivant !

Traduction : Silvia von Verschuer

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EN BREF

• Des responsables religieux américains appellent à une réponse pacifique au terrorisme

Sous l‘égide de la coalition inter-religieuse pour une fin pacifique du terrorisme (Interfaith Coalition for a Peaceful End to Terrorism), quatre re-sponsables religieux des Etats unis ont tenu le 23 janvier une conférence de presse téléphonique lors de laquelle ils ont appelé à un changement de politique dans la lutte contre le terrorisme. Ils préconisent une approche judiciaire et non militaire, utilisant les mécanismes d’un tribunal international. Ils ont aussi demandé aux USA et à leurs alliés de travailler à long terme au développement économique et politique en Asie Centrale au Moyen Orient. Ils suggérent par ailleurs un réexamen de la théorie de la “guerre juste“. Behind the News, 14 février 2002

• FOR/USA présent en Colombie du nord

En février dernier la branche aux Etats-Unis du Mouvement International de la Réconciliation (FOR/USA) a ouvert le site “Présence pour la paix en Colombie” (Colombia Peace Presence) dans le village retiré La Union de la Communauté de Paix San Jose de Apartado au nord de la Colombie. Deux volontaires des Etats-Unis se tiennent aux côtés de la communauté qui est l’une des 50 Communautés de Paix, créées dans les régions en conflit. A cause de son engagement à ne soutenir aucun parti armé dans le conflit, la communauté a été constamment soumise à des meurtres, des attaques et des menaces surtout de la part des forces paramilitaires soutenues par l’armée. La présence des observateurs du Mouvement International de la Réconciliation (IFOR) doit soutenir le droit à l’existence des Communautés de Paix, et contribuer à l’amélioration de la situ-ation en matière des droits de la personne et des lois humanitaires internationales. Fellowship Magazine, 21 février 2002

• « Actifs pour la Paix »

C’est sous ce titre que s‘est tenu en novembre 2001 le deuxième cours de formation de base “ introduction à l’action non-violente“ à Fojnica (en Bosnie -Herzégovine). Il a été organisé par l’association Abraham, de Sarajevo, association inter-religieuse de travail pour la paix, en collaboration avec le Service Oecuménique de Schalom (Oekumenische Dienste, Schalomdiakonat) qui s’est esssentiellement occupé d‘assurer le financement de la rencontre et son accompagnement au niveau de l’équipe de formateurs. L’aspect spécifique de ce cours de base est qu’il met en relation le thème de la violence ou du renoncement à la violence avec la foi propre à chacun, et ce dans un groupe composé de personnes de différentes religions. D’après Otto et Ana Raffai de Zagreb, qui animaient le cours, ceci constitue une approche nouvelle et unique dans la région des Balkans. Schalom-Brief, 27 février 2002

• Journées d’étude sur « la Paix Juste »

Stéfanie Bruckmeir, Diacre de Schalom, nous fait part de l’une des rares occasions de travail commun avec une institution catholique: “le collège de formation des assistants de paroisses de Freiburg en collaboration avec le président des Services oecuméniques de Schalom, Herbert Fröhlich, a organisé des journées d’étude reprenant les défis contenus dans le document des évêques catholiques allemands “la Paix Juste“. Aprés une introduction présentant la vision du document sur la Paix Juste, des thèmes comme la non-violence, le service pour la paix et la communication non-violente furent abordés dans le cadre d’ateliers. Les participants ont beaucoup apprécié le choix du thème et la methode de travail employée lors de ces journées.“ Schalom-Brief, 27 février 2002

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RENCONTRES REGIONALES

Faire oeuvre de Paix - avec l’amour de Dieu pour seule arme. Conférence commune - Communion pacifiste Anglicane et Church and Peace Britain and Ireland, 14-16 juin 2002, Shallowford House, Shallowford, Stone, Staffs

Etre artisan de paix :

• la voie de Dieu, réflexion théologique

• debout pour l’amour de Dieu, équipes artisans de paix

• efficacité de l’intervention non-violente, groupe de recherche d’Oxford

• intervention civile, travailleurs pour la paix, Royaume Uni

Formulaires d’inscription auprès de : Jenny Nicholson, Flat 1, 43 Benslow Lane, Hitchin SG4 9RE, UK, j.nicholson3@ntlworld.com. Pour plus d’informations, contactez: Gerald Drewett, 20 The Drive, Hertford SG14 3DF, UK; Tél & Fax: +44 1992 416 442, Courriel : gerald.drewett@ntlworld.com

• La rencontre régionale germanophone de Church & Peace aura lieu au Thomashof près de Karlsruhe du 18 au 20 octobre 2002. Elle sera organisée en collaboration avec le DMFK. Thème de la conférence: “vaincre le mal par le bien“ - Méthodes et modèles de transformation des conflits. L’orateur principal sera Arnold Fast, du Centre de Formation Mennonite du Bienenberg (Suisse).Invitation bien cordiale !Pour toute information supplémentaire adressez-vous au secrétariat international de Church and Peace ou au DMFK, Hauptstraße 86 D-69245 Bammental, Tél +49 6223 -5140, Fax: -47791, Email: dmfk.menno.peace@t-online.de

• La prochaine rencontre francophone de Church & Peace aura lieu à l’abbaye des Dombes, Communauté du Chemin Neuf, près de Lyon, les 25-27 octobre 2002. Le thème sera VIOLENCES MONDIALISEES ET MONDIALISATION DE LA VIOLENCE. Pour plus d’informations s’adresser à Bruno Bauchet, 16, Av. Martelange, F-84000 Avignon, Tél : (+33) 04 90 86 67 99, Fax : (+33) 04 90 82 24 22, Email : brbauchet@club-internet.fr.