SZIJJ Ferenc - Fuite. Fragment au futur
Menekülés. Jövõ idejû töredék
 

J'ai peur de ce qu'un jour, soudain, un de mes amis ne me reconnaisse plus. Pas parce que j'aurais changé d'un jour à l'autre, mais parce qu'il oublie simplement qui je suis, mieux, il oublie même qu'il me connaît. Je crois que dans une telle situation, il est inutile de commencer à s'expliquer. Je ne m'approcherai pas de lui pour lui rappeler à la mémoire les débuts de notre amitié ou nos amis communs. Je poursuivrai mon chemin dans le couloir de la bibliothèque où cet horrible événement serait arrivé, et j'ouvrirai la porte portant l'inscription INFORMATION. Que personne ne s'étonne si je me présente un beau jour un parapluie à la main.
     La bibliothèque aussi est toujours en reconstruction. Probablement, la porte non plus ne sera celle de l'INFORMATION, mais des PRETS, et je trouverai l'INFORMATION au sous-sol, mais il sera alors trop tard. Le bibliothécaire chargé des informations sait tout, puisqu'il lit tous les jours tous les journaux, mais il méprise profondément ceux qui demandent des informations. Vous ne pourriez pas me conseiller un ouvrage médical, je lui demande, pour attirer son attention parce qu'il faut qu'on parle de l'affaire. C'est encore vous, grand Dieu, s'écrie le bibliothécaire, ce gentleman blanchi par l'érudition. Mon cher monsieur, quelle sorte d'ouvrage médical voulez-vous donc, vous voyez là, tous ces casiers sont pleins des fiches d'ouvrages médicaux. Mon Dieu, ça ne finira donc jamais? Puis de toute façon, nous fermons dans un instant, parce qu'à cause des reconstructions, nous sommes ouverts cette semaine seulement jusqu'à cinq heures, zéro-zéro. Ou plutôt quelque chose sur les satellites, lui coupe-je la parole.

 
       Vous savez, il y a les satellites, ajoute-je, sur quoi il plonge le visage dans ses mains. Bon, mais alors, il y a plusieurs sortes de satellites, comme vous le savez certainement, il y en a, n'est-ce pas, qui tournent autour de la terre, ou circulent pour être plus précis, il y a beaucoup de gens qui confondent, pourtant tourner et circuler, ce n'est pas la même chose, et il y a les satellites synchro, comme on les appelle, je n'ai sans doute pas à vous expliquer ce que c'est, leur nom dit tout.
     J'aurai enfin le temps d'aller à la bibliothèque, j'y vais presque tous les jours depuis que je suis mis à la retraite pour invalidité, sauf que je n'arrive pas jusqu'aux livres, je n'ose pas entrer dans la SALLE DE LECTURE (je ne parle même pas de la salle des PRETS), je ne fais que regarder les catalogues, et je lis les vieux journaux qu'on a sortis dans le couloir. Où est-ce que j'en étais, dis-je au monsieur de l'information, qui revient entre-temps et se plonge dans son journal. Oui, donc l'essentiel, c'est qu'ils les placent à un certain point au-dessus de la terre, et alors, ils observent ce point en permanence. Et vous savez, il existe aujourd'hui des télescopes tellement grands qu'ils sont capables de déterminer ce que je suis en train de manger, ou ce que je lis. Ils voient même au travers des murs, ce n'est pas un obstacle. Ils jettent un coup d'oeil dans mon livre par-dessus mes épaules, vous imaginez! Mais ça encore, c'est rien! Ils ont élaboré il n'y a pas longtemps une installation avec laquelle ils peuvent même percevoir ce que je dis. C'est une vie, ça, dites-moi? Je ne dis pas que c'est justement moi qu'ils observent, parce que bon, qui suis-je, moi, un professeur de langue mis à la retraite pour invalidité, même la langue que j'enseignais n'existe plus, mais quand même, ils peuvent le faire à tout moment. Bon alors, au revoir, il faut que j'y aille (il ne faut pas que j'y aille), mais je regarderais bien un jour ces ouvrages médicaux, demain peut-être, il ne doit pas y en avoir tellement, on peut sûrement les parcourir en une heure ou deux. Ce sympathique gentleman est loin de se douter que je me refuse à ouvrir un livre depuis des années. Ça me remplirait d'effroi si j'apprenais quelque chose.
     Alors maintenant comment je rentre à la maison, m'arrête-je devant la porte de la bibliothèque. Je balaie du regard la rue hivernale, humide, froide, et sombre. Le métro ne circule plus depuis des années en raison des travaux de reconstruction, mais il y a un tramway souterrain qui marche à la place, ce serait le moyen le plus évident, à moins qu'il y n'ait à nouveau une panne d'électricité, ou que la source thermale de 90 degrés aux effets bénéfiques ne se soit engouffrée dans le tunnel provisoire, ce qui arrive également assez fréquemment. Restent alors généralement les portes cochères, la traîne dans les passages souterrains, à écouter le vendeur de journaux: "les numéros du lotto dans Esti Hirlap". Je regarde ma montre, qu'on croit donc que j'attends quelqu'un, je prends un air impatient, ensuite déçu, et puis je pars déconfit à la maison. Ça prend passablement longtemps comme ça, mais c'est son seul avantage.
     Maintenant comment je rentre à la maison, m'arrête-je devant la porte de la bibliothèque (je ne peux pas m'arrêter longtemps, parce qu'il termine bientôt, il va sortir, et ça va être pénible s'il me trouve là, après que je lui eus dit qu'il fallait que j'y aille). Je balaie du regard la rue automnale, humide, froide, et sombre. Madame Müller m'attend dans mon studio souterrain, elle veut me prendre le loyer. Mais madame Müller, depuis qu'on a déversé le charbon, je ne peux pas dormir. Ils l'ont versé juste sur mon lit, regardez, on n'en voit pas un bout. Et jusqu'à quand ça restera là, puisque vous ne chauffez même pas, vous êtes toute la journée dans l'appartement froid. Vous savez comment je dors? Je dors là sur la chaise, je pose la tête contre le mur (le mur est humide), et je dors comme ça. La brave madame Müller, on peut pas la tromper, elle sait que je ne m'endors pas, elle en revient au loyer. Vous me devez trois semaines, dit-elle, et deux semaines de note d'électricité, tout est noté chez moi, vous ne pouvez pas nier. Mon fils vient demain, et il vous jettera d'ici. Dans ma maison, on ne peut pas se cacher, à la fin, ça va être à moi qu'ils s'en prendront. Vous croyez que je ne le sais pas?
     Comment je rentre à la maison, m'arrête-je un instant devant la porte de la bibliothèque. Je balaie du regard la rue estivale, humide, froide et sombre, les gens qui se pressent. Il faut que je les induise en erreur.
     Vous savez, je suis un professeur de langue mis à la retraite pour invalidité. Je pourrais même dire que je suis chanceux, parce que peu après, la langue que j'enseignais a cessé d'exister, mais écoutez d'abord cette étrange histoire.
     Un jour donc, à l'école - j'enseignais dans un lycée de renom, la fin des vacances approchait, j'allais partir au cour suivant, pour y être à temps, lorsqu'on m'a dit que quelqu'un m'attendait dehors. Je suis sorti dans le couloir, je pensais que c'était un de mes élèves, mais ce n'était pas un élève, mais un parent. Il s'est présenté, disant qu'il était le père de Gizella Neustett, et qu'il voudrait savoir comment ça allait avec l'enfant. Je dois aller à mon cours, mais en attendant bien sûr, asseyons-nous ici au bout du couloir, j'ai dit, et pendant qu'on n'était pas encore assis, je tentais de me rappeler laquelle elle pouvait être, la Gizella Neustett, mais ça ne me revenait pas. J'enseigne à tellement de classes, j'ai dit, la petite Gizella est sûrement en première, parce que je ne me souviens pas d'elle de nom. Elle est en première B, dit-il, petite, aux cheveux blonds, et plutôt du genre silencieuse, c'est sûrement pour ça que je ne l'ai pas remise du premier coup. Il m'a demandé comment elle progressait. Je ne savais toujours pas qui c'était. Oui, j'ai dit, en première, on arrive pas encore à retenir tous les noms, et d'ailleurs à cette période de l'année tout le monde n'a pas encore été interrogé (on était déjà au deuxième semestre), mais s'il y avait un problème avec elle, je me souviendrais certainement de son nom, ce qui fait qu'il n'y a sûrement aucun problème avec la petite Gizella, mais bon, en première, il est évident qu'il faut faire beaucoup d'efforts, et plus tard aussi bien sûr, parce qu'une langue peut servir à tout, ça vaut la peine de l'apprendre. La conjugaison en particulier, parce que c'est une chose qui pose toujours des problèmes. A ce moment on a sonné. Il faut que j'aille à mon cours, j'ai dit, et je commençais déjà à me lever avec de grands gestes, lorsqu'il m'a dit qu'il avait parlé avec le directeur, quelqu'un me remplacera pour ce cours.
      Vous ne me croirez peut-être pas, mais je me suis rassis immédiatement, sans résister. Le fait est que jusque là, je n'ai pas eu à regarder l'homme dans les yeux, je pouvais faire comme si je faisais des efforts pour me souvenir, ou comme si mes pensées étaient déjà au cours suivant, mais au moment de se quitter, c'est une chose quand même inévitable. Il a dit qu'il venait d'assez loin, qu'il ne pouvait pas partir sans gain de cause. Bien sûr, j'ai dit, résigné. Après la sonnerie, les élèves qui réglaient leurs affaires disparurent en un instant des couloirs et les enseignants essaimèrent aussi de la salle des profs, ils ne nous jetèrent qu'un bref coup d'oeil, moi je savais déjà que ce n'était même pas dans ce lycée qu'était inscrite la Gizella Neustett, le silence se fit dans le bâtiment. A ce moment, j'aurais beaucoup aimé être dans une des salles de cours.
     Cette langue, a dit l'homme, n'existera plus bientôt, vous le savez n'est-ce pas? Ses yeux étaient verts, mais à part ça il n'y avait en lui rien de particulier, il aurait très bien pu être un parent. Comment elle n'existera plus, j'ai demandé. Ben, elle n'existera plus tout simplement, et vous aurez alors beau à parler dans cette langue, personne ne comprendra. Mais vous n'avez pas à avoir peur, parce qu'on vous mettra encore avant à la retraite pour invalidité. Je n'avais alors ressenti pendant tout ce temps qu'une sorte de peur diffuse, je ne ressentais trop rien pour ainsi dire, alors que bon, je savais que ce qui m'arrivait était quand même assez bizarre. Mais cela même qu'ils allaient me mettre à la retraite pour invalidité ne m'a pas surpris, je me taisais, j'attendais.
     Mais au moins vous aurez alors du temps, parla à nouveau l'homme. Du temps pour quoi, j'ai demandé, parce qu'il n'avait pas continué. Pour quoi? dit-il pensif, ben pour observer, pour lire. C'est une vie calme, contemplative, mais pendant ce temps, vous amassez des informations, pas vrai? Il me regarda, comme quelqu'un qui est sûr de son affaire, mais attend quand même une confirmation. Sur quoi, j'ai demandé. Ben sur n'importe quoi, dit-il. Il y a plein de choses intéressantes. Il y a beaucoup de choses qu'on ne sait pas, mais qu'on aimerait savoir. Des données, des opinions, ou simplement le comportement des gens dans certaines situations, et puis même, dans les circonstances totalement quotidiennes, parce que ça aussi, ça peut être très intéressant. Par contre, vous ne m'avez pas encore promis que vous ne parlerez à personne de notre entretien. Pas même au directeur. Là-dessus, je pense qu'on peut se mettre d'accord. J'ai acquiescé de la tête, mais ça ne lui suffisait pas. Bon, alors on s'est mis d'accord, dit-il. Bien sûr, j'ai dit, quoi que je susse que le directeur allait me demander si un parent d'élève n'avait pas cherché à me voir ces jours-ci, le père de la Gizella Neustett, et de quoi on avait parlé. Il est inutile que quiconque soit au courant, a dit l'homme, de toute façon vous ne pouvez vous appuyer que sur vous-même, vous n'avez ni parents, ni amis, vous n'aurez pas de travail non plus, ni même chez vous, n'est-ce pas, un appartement normal, mais il est un fait que vous n'en pouvez blâmer personne. Eh oui, il a dit, comme s'il ne parlait même plus à moi, et je m'en réjouissais, eh oui, parfois c'est tout ce qui reste, l'acquisition des dernières informations, dont en plus, nous, nous ne pouvons plus rien en faire. Mais à vous, je n'ai pas à vous dire combien elles sont quand même importantes. On va sonner la fin des cours dans un instant, dit-il, ça ne fait pourtant que quelques minutes qu'on parle, alors comme convenu, pas un mot au directeur. Il se leva, boutonna son manteau tout en me regardant profondément dans les yeux, puis il est parti. On sonna la sortie.
     Je rentre à la maison, me dis-je devant la porte de la bibliothèque, pour les induire en erreur. Ils se pressent là, dans la rue, ils voudraient être rentrés au plus vite, ils viennent m'accoster avec les prétextes les plus divers.
     La pluie s'est arrêtée, dit une femme, et elle ferme son parapluie, vous pensez qu'il y aura du pain maintenant? Il faut que j'achète du pain pour mes enfants, parce qu'ils n'ont pas quoi manger. La radio a annoncé que tant qu'il pleuvra, il n'y aura pas de pain, mais maintenant elle s'est arrêtée, vous pensez qu'alors maintenant il y en aura? Je ne sais pas.
     Achetez-moi ce parapluie, dit la femme, regardez, il est complètement neuf, je l'ai acheté sous main hier pour cinq-mille forints, il est en parfait état. Je vous le donne pour quatre-mille-cinq-cents. Je ne peux pas l'acheter.
     C'est pas grave, regardez, il s'ouvre automatiquement, il faut juste appuyer sur ce bouton, vous voyez? Là je vais pas l'ouvrir, mais sinon l'étoffe aussi est presque complètement intacte, il faut juste le tourner pour que ça ne goutte pas sur vos épaules. En plus, là, il ne pleut même pas. Sept-cents. Je n'ai pas autant d'argent sur moi.
     Achetez-le-moi. Si vous ne l'achetez pas, je le donnerai à quelqu'un pour rien, en quoi ça vous profitera? Je ne sais pas.
     Pourquoi vous ne me l'achetez pas, là? Vous bougez pas d'ici, vous croyez que je ne vois pas, que vous bougez pas d'ici, pourtant la pluie s'est arrêtée depuis longtemps, qui sait ce que vous cherchez ici à cette heure? Achetez-moi au moins ce parapluie, alors j'appellerai personne. Je ne peux pas l'acheter.
     Comment ça, vous pouvez pas l'acheter? Je la donne pour six-cents, ne me dites pas que vous n'avez pas autant d'argent sur vous. Je n'ai pas autant d'argent sur moi. Elle me regarde, elle hausse les épaules, elle part.
     C'est en vain que je me fais une cachette dans mon studio souterrain. Je déblaie avec mes doigts le charbon du bout du lit, je peux alors m'y cacher dessous, ça ne se voit pas de la porte. J'attends, j'avale la poussière de charbon, de toute façon la Müller va venir avec sa marmite. Elle la remplit de patates, elle gémit. Elle ramasse les magazines de mots croisés éparpillés (je les pique de la bibliothèque, mais ils sont déjà résolus, ma tâche n'est pas difficile). Elle fouille mon manteau et le tiroir de la table, elle ne trouve rien. Elle commence à balayer, elle soulève la poussière, tousse, s'assoit. Bon allez, sortez, dit-elle. Je ne réponds pas, je me tasse. Bon allez, sortez, dit-elle, vous croyez que je ne sais pas que vous êtes là-bas? J'ai parlé à mon fils, il vient après-demain, et il vous jettera dehors. Allez, rampez bien gentiment hors de votre trou. Je me tasse encore plus. Vous croyez que je ne sais pas, dit-elle, que vous n'avez même pas été mis à la retraite pour invalidité, mais que vous avez juste quitté votre travail pour ne pas avoir à payer la pension des enfants? Des enfants, ça, vous vous êtes pas embêtés pour en faire à cette pauvre femme, d'ailleurs, elle vaut pas mieux que vous, il y en a combien, trois, quatre? Je vous l'ai dit, je ne veux pas de problèmes, à la fin, ça va être à moi qu'ils s'en prendront, disant que je vous cache. Vous me devez deux semaines de loyer, et puis l'électricité, si vous ne payez pas jusqu'à après-demain, mon fils viendra, et il vous jettera dehors, que vos pieds ne toucheront même pas le sol.
     Mais chère madame Müller, dis-je en rampant dehors, votre fils est mort il y a des années, vous ne vous souvenez pas? Dites, je sais quand même mieux que vous, je lui ai parlé hier, je lui ai dit que moi, je ne voulais pas de problèmes, parce que ça fait déjà plusieurs fois qu'ils vous ont cherché ici, si vous ne payez pas, vous allez où vous voulez, pour ce que je m'en soucie. On ma cherché, dis-je, ce n'est pas possible, comment il était? Moi je ne sais pas, c'est la voisine qui me l'a dit, qu'ils étaient en voiture, et qu'ils se renseignaient sur vous, la pauvre est venue me voir en pleurant, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?
     A la maison, regarde-je autour de moi devant la porte, je ne peux pas y aller, parce que le métro ne circule pas. Ce n'est pas grave, je vais contempler un peu la rue ici, il n'y a pas d'éclairage, je n'ai pas à craindre que quelqu'un m'aperçoive. Ou que j'aperçoive quelqu'un. Pour échapper à ceux qui me pourchassent, je m'enfuis au cimetière.
     Des voitures circulent sur les larges avenues du cimetière. De temps en temps, ils s'arrêtent à une tombe ou à une autre, et quelqu'un parmi les passagers baisse la vitre, se penche dehors, photographie la tombe, ensuite la voiture reprend sa ronde.
     Glissant furtivement de pierre tombale en pierre tombale, je m'enfonce de plus en plus en avant, jusqu'au moment où je me trouve face à face avec un fossoyeur. Il désigne la fosse à moitié creusée (elle est plein d'eau), et il me dit: Vous voyez, cher monsieur, ce que je dois faire? Pourtant quand ils m'ont engagé, ils m'ont dit que mon travail serait l'aménagement du territoire. L'aménagement du territoire. Depuis des années, je ne fais rien d'autre que creuser et démonter. Il soupire, saute dans la fosse (l'eau m'éclabousse), et prend la pelle. Mais le tocsin sonne déjà pour eux aussi, regarde-t-il en haut, il attend un peu pour l'effet, puis me fait signe d'approcher. Je fais un pas, et je me penche à lui. Le peuple a eu bruit de quelque chose. Ils emportent les morts. On en enterre un, on en exhume trois. Encore quelques années, et il ne restera ici aucun mort. Je regarde autour de moi, mais toujours pas de signe de ceux qui me pourchassent, peut-être ils ne sont même pas entrés au cimetière. Je me penche à nouveau vers le fossoyeur, et je lui demande de quoi ils ont eu bruit. Cher monsieur, je ne m'occupe pas de ça, moi je ne sais rien, je fais mon travail, et c'est tout, le reste ne me regarde pas. Il fait comme s'il voulait se mettre à travailler, mais il me fait ensuite signe de m'approcher encore plus près. Tout ce que je vous dis, c'est que deux gentlemen sont venus ici avec une voiture portant l'immatriculation des autorités, et devinez qui ils cherchaient? Dans le mille, ils sont allés tout droit chez le directeur principal. Non chez quelconque directeur adjoint, oh non. Tout droit chez monsieur le directeur principal. L'aménagement du territoire! Ils m'ont dit, l'aménagement du territoire, j'ai dit, d'accord, ça me va, tondre la pelouse et balayer un peu. Alors je vous demande un peu, c'est de l'aménagement du territoire, ça? Et il y a de moins en moins de morts, on en enterre un, on en exhume trois, bien bonne nuit. Les morts s'éteignent. Il commence à travailler, je poursuis mon chemin, je me promène. Il semble qu'ils ne me suivent pas jusqu'ici, alors je pars. Ou plutôt j'attends encore. Ou alors j'y retourne, j'en aurai encore le temps.

 
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